Avant l’ouverture du débat au Sénat, la FSU reprend, pour les contester, l’ensemble des mesures régressives qui vont frapper les fonctionnaires.

Les Lilas, le 27 septembre 2010


Madame La Sénatrice, Monsieur Le Sénateur,

La FSU juge injuste et brutal le projet de loi de réforme des retraites dont le sénat est saisi. Pour la FSU il est nécessaire de chercher de nouveaux financements pour assurer l’avenir du système de retraite par répartition. S’agissant des régimes spéciaux de la Fonction publique, leurs financements passent par une réforme juste et équitable de la fiscalité.

Confisquant aux salariés l’allongement de l’espérance de vie, cette réforme projette de reporter l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans. Avec le décalage de deux ans à un rythme rapide de l’ensemble des bornes d’âge, âge d’ouverture des droits et âge de départ sans décote, tous les salariés vont devoir travailler plus longtemps pour des retraites plus basses.

Partie prenante de l’intersyndicale interprofessionnelle, la FSU a contribué au rejet du projet par une majorité de salariés et de la population. Elle porte l’exigence du retrait du projet, permettant enfin le débat sur cette question de société et la négociation d’une autre réforme. La rédaction actuelle du projet de loi renvoie des questions nombreuses à de prochains rapports : la situation des polypensionnés, les bonifications dans la Fonction publique, la création d’une caisse de retraite pour les fonctionnaires de l’Etat, orientation pourtant écartée par le secrétaire d’Etat à la Fonction publique au printemps dernier ! Le seul décompte de ces rapports attendus montrerait que le temps nécessaire au débat n’a pas été pris. La FSU vous demande donc de voter contre le projet qui vous est soumis.

Comme organisation syndicale représentative de la Fonction publique, elle tient à illustrer son positionnement à partir de quelques questions spécifiques.

L’augmentation des retenues pour pension.

Les fonctionnaires, dont les traitements sont gelés pour 2011 et vraisemblablement pour les années suivantes, verraient leurs traitements nets diminués par l’alignement du taux de retenue pour pension sur le taux de cotisation du régime général et complémentaires ; la perte de pouvoir d’achat imputable à cette seule mesure représenterait à terme un jour de salaire par mois. Aggravant la perte de leur pouvoir d’achat, cette mesure n’a cependant aucun fondement juridique. En effet, les traitements des fonctionnaires de l’État sont inscrits au budget, les retenues pour pension alimentent un autre programme du même budget : le relèvement du taux opère donc une simple économie pour l’État au détriment de ses agents.

La création d’une caisse de retraite de l’Etat, que Georges Tron avait dit avoir écartée parce qu’elle était rejetée par l’ensemble des fédérations syndicales, représenterait une rupture fondamentale avec le statut de la Fonction publique.

La réforme du minimum garanti.

Dans la Fonction publique, la restriction de l’accès au minimum garanti frapperait les moins rémunérés, et plus particulièrement les femmes. En application du minimum garanti, près de la moitié des agents de la Fonction publique territoriale (54% des femmes et 39% des hommes en 2008) voient leur pension mensuelle majorée de 150 € en moyenne. La mise sous condition du minimum s’appliquerait à ceux des agents qui ont les plus courtes durées d’assurance : en moyenne, les femmes totalisent 6 trimestres de moins.

Il convient enfin de noter que les dispositions de l’article 24 du projet de loi sont prévues pour s’appliquer immédiatement dès l’entrée en vigueur de la loi.

Cet article dont la FSU demande la suppression éclaire crûment la finalité des mesures de rapprochement envisagées ; elles produiraient un alignement sur les situations les plus dégradées au lieu de faire progresser la situation des plus défavorisés.

La fin brutale du droit des mères de trois enfants.

L’article 23, mettant fin au droit des mères de trois enfants à la liquidation de leur pension dès lors qu’elles totalisent quinze années de service crée une très vive inquiétude et un sentiment d’injustice parmi les personnes concernée, dont les choix antérieurs (temps partiels, renoncement aux services actifs) ont été faits compte tenu d’un droit aujourd’hui remis en cause. Les nouvelles règles de calcul de la pension pour celles dont le droit est maintenu priveraient la quasi-totalité d’entre elles de la possibilité d’exercer ce droit.

Deux aménagements ont déjà été apportés à l’avant projet, témoignant du choc créé par cette disposition et des réactions qu’elle a suscitées.

L’amendement du gouvernement adopté par l’assemblée règle la situation des plus âgées. Cependant, il crée un effet de seuil exorbitant entre celles qui sont nées avant le 31 août 1954 et celles qui sont nées après, si l’on raisonne pour les corps et cadres d’emploi dont la limite d’âge est aujourd’hui de 65 ans. Enfin, il ne résout pas les difficultés qui menacent les professions les plus féminisées du service public, l’éducation, la santé et les missions sociales… La rupture brutale est toujours envisagée pour les plus jeunes, alors que le COR recommandait une nécessaire progressivité. On peut donc redouter l’effet de cette mesure qui poussera des dizaines de milliers de femmes fonctionnaires à cesser leur activité professionnelle de manière précoce et contrainte. En outre, fixant au 1er juillet 2011 la date limite pour la radiation, le gouvernement a fait le choix de laisser vacants de nombreux postes dans une période où des tâches essentielles, comme les examens et la préparation d’une rentrée scolaire doivent être accomplies.

L’amendement du gouvernement prévoit le bénéfice du minimum garanti pour les liquidations qui interviendraient dans ce cadre jusqu’au 1er juillet, corrigeant ainsi un manque inquiétant du texte initial. Dans le même temps, il introduit une disposition doublement inacceptable en écartant les services de non titulaires validés au titre de l’article L. 5 du code des pensions des services pris en compte pour l’ouverture du droit. Pour la première fois, les services accomplis comme non titulaire n’ouvriraient pas les mêmes droits que les services accomplis comme fonctionnaire. En outre, les fonctionnaires concernées ont fait le choix d’acquitter des cotisations rétroactives pour la validation et se verraient privées d’une partie des droits créés par la validation.

La situation faite aux mères de famille émeut l’ensemble des agents et ils ont bien compris que derrière cette décision, il y a bien la contestation de toute possibilité de retraite avant l’âge légal.

La situation des polypensionnés.

La FSU considère que les fonctionnaires polypensionnés sont particulièrement maltraités. Leur carrière peut ne pas être complète et affecter le traitement pris en compte pour la pension.

Et surtout, leur pension est calculée au régime général sans écrêtement des plus mauvaises années. Le décret de proratisation pris en février 2004 n’a concerné que les régimes « alignés ».

Prétendant traiter du sujet, l’article 24 quinquies, aurait pour effet d’en augmenter le nombre, par la suppression de la validation des services de non titulaires et par l’abaissement de la condition de 15 années de services en tant que fonctionnaire à 2 années.

En ne permettant plus la prise en compte des services accomplis en qualité de non titulaire par le code des pensions, la première mesure banalise l’exercice des missions de service public. La seconde contredit la construction d’une fonction publique de carrière.

Qui sont les fonctionnaires polypensionnés ?

  • Il y a les agents qui ont débuté par des périodes de non titulaires dans la Fonction publique, s’il n’y a pas eu validation.

  • Ils ont très nombreux dans la FPT : 2/3 de ceux qui liquident leur pension en 2008, selon le rapport annexé au PLF 2009.

La CPA (cessation progressive d’activité)

La réforme vise à faire travailler plus longtemps des agents dans des conditions de travail difficiles, particulièrement ressenties en fin de carrière. Le dispositif de cessation progressive d’activité est donc essentiel pour des fins de carrière sereines. En ne modifiant pas l’ordonnance 82-287 du 31 mars 1982, qui ouvre la CPA aux fonctionnaires dont la limite d’âge est 65 ans, alors qu’il aurait pour effet que plus aucune limite d’âge ne serait fixée à 65 ans, le projet de loi supprimerait de fait la CPA. La FSU défend que la CPA soit ouverte sans condition relative à la limite d’âge, dans les conditions de quotité de travail et de rémunération en vigueur en 2003.

Le projet de loi est muet sur la situation des agents de la Fonction publique actuellement en cessation progressive d’activité (CPA) qui ont pourtant fait un choix irréversible pensant possible un départ en retraite à 60 ans.

Certains agents, ayant opté pour la forme modulable, ont projeté une dernière période sans obligation de service. Pour les enseignants, celle-ci correspond nécessairement à une année scolaire. Ils se trouvent actuellement en situation de se voir radiés des cadres avant l’âge de 60 ans et quatre mois ou 60 ans et huit mois, et pourraient se voir priver de la possibilité de liquider leur pension lorsqu’ils cesseront leur activité.

D’autres perçoivent un traitement inférieur à la pension à laquelle ils auront droit. Ils se trouveraient donc en situation de voir se prolonger une période de faibles revenus.

Le comité de pilotage.

Chargé de veiller à des enjeux essentiels pour tous les salariés actifs et retraités, le comité de pilotage créé par l’article 1 du projet de loi, serait chargé de « proposer des mesures correctrices justifiées par la situation financière des régimes de retraite ». Les organisations syndicales représentatives de la Fonction publique ne sont pas prévues parmi les membres de ce comité, quand bien même il examinerait « les conditions de l’équité du système de retraite ou la pérennité financière des régimes de retraite ». Le gel de la contribution de l’Etat au financement des retraites des fonctionnaires de l’Etat au niveau de 2008 est à cet égard particulièrement inquiétant.


Je vous prie de croire, «civilité», en l’expression de mes salutations respectueuses.