Le CDEN est le conseil départemental de l’éducation nationale. Il était présidé par le Préfet M.DALLESNE (qui a pris ses fonctions le 24 février 2020), l’IA-Dasen de la Sarthe Mme. GALEAZZI et pour le conseil départemental M. VALLIENE.

Le CDEN est composé de représentant-es :
– des collectivités locales
– des personnels des établissements d’enseignement et de formation. La délégation FSU est la délégation majoritaire avec 6 élu-es.
– des usagers-ères (parents d’élèves, associations, etc.)

Note d’ambiance : Ce CDEN s’est tenu en visioconférence dans de mauvaises conditions (qualité de visio très médiocre rendant les interventions difficiles)


Déclaration liminaire de la FSU

Il y a un an et trois jours, le 3 octobre dernier, la profession rendait hommage à notre collègue Christine Renon, qui venait de se suicider dans son école le 21 septembre. La direction des services départementaux de l’Éducation nationale de Seine St Denis reconnaissait “l’imputabilité au service” pour son décès, dans un courrier adressé à sa famille le 11 décembre. Interrogé, le ministère de l’éducation a affirmé à l’AFP qu’il s’agissait d’une “décision coutumière de l’administration dans ce genre de circonstances, car elle permet d’assurer une protection maximale aux ayant-droits”. Nous aimerions qu’en Sarthe le recteur suive cette décision coutumière à propos d’une autre collègue, décédée il y a un an sur le trajet qui la conduisait de chez elle à une réunion de prérentrée, et pour laquelle il refuse, malgré l’avis favorable de la commission de réforme (5 voix sur 6), de reconnaître la qualification d’accident de service. Malgré ces drames, qui devraient éveiller les consciences sur les risques psychosociaux qui augmentent, rien ne change.

Ce qui remonte des écoles, collèges et lycées,
• Ce sont des injonctions qui tombent d’en haut parfois contradictoires et de plus en plus déconnectées du travail de terrain.
• Ce sont des prescriptions ministérielles qui assomment les personnels les dépossédant de leur métier.
• C’est la pression, l’infantilisation, l’hyper contrôle, ces pratiques de management ultra-libérales qui font des ravages.
• C’est l’impossibilité de bien faire son métier dans des conditions de plus en plus dégradées, des élèves qu’on n’arrive pas à aider dans des classes qui restent surchargées, de l’inclusion «impossible» faute de moyens.
• C’est l’absence de réponse, de soutien et de protection quand les personnels sont confronté-es à des situations complexes ou de crise dans les établissements.
• Ce sont les tâches qui s’empilent au fil du temps et des IEN, dans le premier degré, qui renvoient aux fameuses 108h très extensibles…
• C’est d’avoir à absorber seul-e et toujours plus, des décisions qui devraient être prises à un échelon départemental, régional ou national.
• C’est le sentiment de mépris généré par une institution qui affecte de manière autoritaire, au dernier moment.
• C’est l’absence de formation…
La liste est longue et pourrait encore s’allonger….

Sur le champ pédagogique, les« préconisations » en matière d’enseignement de la lecture, fortement contestées par la communauté scientifique, s’apparentent à un diktat et continuent de déposséder les enseignant-es de leur professionnalité et de mettre en difficulté les élèves les plus fragiles. Se sont ajoutés des tests de positionnement qui, s’ils sont censés ne pas être obligatoires, sont fortement insistés par la hiérarchie. La comparaison entre élèves est donc imposée, pratique que l’essentiel de la recherche en pédagogie analyse comme facteur de démobilisation, de dévalorisation supplémentaire pour les élèves vivant des échecs récurrents, augmentant ainsi les inégalités scolaires.

Dans le second degré, six semaines après la rentrée, comme l’an passé, la plupart des collèges ne peuvent fonctionner que grâce à la multiplication des contractuel-les à cheval sur plusieurs établissements. La mise en place de la réforme du lycée  entraîne une dégradation forte des emplois du temps des enseignant.e.s, des élèves et de la qualité de leurs conditions de travail. Elle génère de la souffrance notamment pour cette génération sacrifiée et pour des enseignant.e.s mis.e.s dans l’incapacité de les accompagner comme ils.elles le voudraient faute de temps. Et surtout elle tend à accroître les inégalités sociales car seul.e.s les élèves des familles les plus informées et bénéficiant d’un accès à des connaissances en dehors de l’école peuvent s’en sortir, et encore avec difficulté, dans ce chaos. Cela continue d’épuiser les professionnel.le.s.

Nous pourrions, hélas, continuer longtemps cette incroyable énumération. Comment, dès lors, s’étonner d’un épuisement global des collègues ? Comment s’étonner du manque de candidat-e-s, nationalement, à nos professions ?

La rentrée est aussi caractérisée par la poursuite de la mise en place des PIAL (Pôles Inclusifs d’Accompagnement Localisés), et par leur concentration sur des établissements moins nombreux. Ce qui remonte du terrain c’est encore beaucoup de souffrance professionnelle chez les AESH qui s’exprime dans toute sa violence : mutations imposées en dépit de toute logique compréhensible. Plusieurs exemples de changements imposés permutent deux professionnelles sur leurs postes précédents, nouvelle organisation qui les éloigne chacune de plusieurs dizaines de kilomètre de leur lieu de résidence et leur fait perdre le lien construit avec l’élève qu’elles suivaient. Ce sont des modifications incessantes des emplois du temps, des prises en charge partielles, sur des bases comptables d’horaire mais sans considération de continuité du point de vue de l’élève. La sensation de n’être qu’un pion interchangeable, ne bénéficiant d’aucune considération de la part de l’institution est d’autant plus forte qu’employé.e.s par une institution publique, qui devrait être exemplaire, ces personnels vivent avec des revenus souvent en dessous du seuil de pauvreté. Pourtant, la complexité professionnelle qu’ils et elles doivent affronter est grande et supposerait formation et reconnaissance.

A ce passif déjà lourd s’ajoutent des nouveautés : Désormais, les conférences pédagogiques dans le primaire sont réorganisées selon un principe dit de « constellations », inspiré de pratiques venant du Japon. Le principe affiché est une horizontalité des rapports et des régulations entre pairs au sein d’une équipe. Ce sont là autant de principes revendiqués par la FSU. Mais ce dispositif, dans un contexte de maintien et même d’augmentation des emprises de pouvoir des chefs sur les personnels, est en fait un arsenal supplémentaire au service de la contrainte hiérarchique. Pour la FSU, « faire équipe » se définit d’abord par la construction d’une confiance réciproque entre les membres qui permet de dire sereinement les échecs, les conflits, les obstacles, expression préalable à leur résolution. Si le faire équipe est instrumentalisé pour imposer à toute l’équipe d’aller dans le sens prévu par l’autorité, l’horizontalité n’est plus qu’un regard pesant des un-e-s sur les autres. Rien qui permette de mieux appréhender le métier. C’est au contraire une souffrance supplémentaire.

Le gouvernement est passé en force pour créer la notion d’emploi fonctionnel de direction. La FSU n’est pas dupe, c’est là une étape vers un statut hiérarchique. Dans la pratique on assiste à l’inflation de responsabilités (comme par exemple déterminer si le protocole des transporteurs publics respecte la sécurité des passagers avant d’autoriser l’activité piscine qui nécessitera ce transport) qui pourraient relever d’échelons supérieurs. Pour la FSU c’est là une réalité dont l’origine est tout à la fois une logique d’auto-protection des niveaux supérieurs, de l’institution, de l’état et du pouvoir politique, et la volonté de charger la fonction de direction pour mieux la faire reconnaître comme un nouvel échelon hiérarchique.

Cette souffrance au travail, ces risques psychosociaux, qui devraient être l’objet des CHSCT, font l’objet localement d’un déni, et dans un contexte très tendu, ont pris un retard considérable. Un compte rendu de visite a été exclu d’un ordre du jour deux jours avant le chsct l’an passé, au mépris du règlement, et de l’intérêt des personnels de l’établissement visité.

Dans cette longue liste de choix analysés comme négatifs, la FSU acte positivement la décision du gouvernement d’allonger le congé de paternité et d’accueil du jeune enfant, le passant de 14 jours à 28, toutefois seulement 7 jours seront obligatoires, à compter du 1er juillet 2021. Cet allongement était l’un de ses mandats de longue date. Pour la FSU, cette annonce est une étape importante dans la lutte pour l’égalité effective des droits entre les femmes et les hommes mais la France reste derrière plusieurs pays européens comme la Norvège où le 2ème parent a droit à 15 semaines en percevant l’intégralité de son salaire ou encore l’Espagne où il est passé de 5 à 8 semaines là aussi avec intégralité du salaire.

En contrepoint de ce point positif, la communication ministérielle sur la « tenue républicaine », catastrophique, moquée à l’international et prudemment non soutenue par le premier ministre dans une émission télévisée de grande écoute, dévoile un peu plus s’il le fallait le fond de pensée réactionnaire du ministre de l’Education Nationale. Cette controverse qu’il a lancée, probablement avec l’ambition de flatter un électorat très conservateur, confirme que le corps des femmes demeure aujourd’hui encore réduit à sa dimension sexuelle, au nom d’une « décence » qui n’est qu’un faux nez de la domination patriarcale, dans un débat où la voix des femmes – et singulièrement celle des lycéennes – a encore et toujours du mal à se faire entendre et respecter.

Au niveau sociétal, ce gouvernement de l’insécurité sociale ne calme en rien son jeu, en maintenant sa volonté d’aller au bout du projet de réforme des retraites, qui conduirait, par une dégradation extraordinaire du niveau de pension de l’ensemble des salarié-es, et en particulier celui des enseignant-es, à conduire celles et ceux qui le pourront à se tourner vers la capitalisation boursière, au plus grand profit des assurances privées et des fonds de pension, et au grand détriment des autres.

Toujours d’une grande constance dans l’insécurité sociale, ce gouvernement engage le dépeçage de la sécurité sociale par l’introduction d’une 5ème branche. Contrairement à la communication rôdée d’attention au grand âge, il ne s’agit pas d’un simple ajout à l’existant, mais d’une réorganisation générale qui sortira du fonctionnement actuel des pans entiers du risque. Cette 5ème branche laissant la part belle à l’assurantiel jouera un rôle de pont vers la privatisation du risque. Pour la FSU, l’autonomie n’est pas connexe à l’âge. On peut perdre son autonomie très jeune, et à des moments très différents entre les individus. La prise en charge de ce risque pour les personnes âgées ne doit pas sortir du contexte de solidarité entre générations. La FSU appelle l’ensemble des citoyen-ne-s à se mobiliser dans les mois à venir sur ce sujet essentiel.

Le choix de cette déclaration c’est d’avoir commencé par les éléments structurels, car ils ne sont pas mineurs aux yeux de la FSU. Bien sûr, à cela, s’ajoute la gestion conjoncturelle de l’épidémie de COVID 19.

Avec cette dimension conjoncturelle supplémentaire, les premiers jours de l’année scolaire laissent déjà les personnels en état de fatigue et de tension extrême. Non pas qu’ils et elles rejettent les mesures sanitaires, elles sont nécessaires. Mais ne pas reconnaître que les conditions d’exercice des missions sont rendues plus difficiles par la crise sanitaire, prétendre que « tout est normal » et que tout peut fonctionner comme si de rien n’était, relève du déni de réalité et confine à un mépris des missions des personnels qui doit impérativement cesser.

Alors que l’épidémie progresse et que de nouvelles mesures sanitaires ont été prises dans certains territoires, la FSU dénonce le fait que les services publics, et notamment le système éducatif, ne fassent pas l’objet d’adaptations particulières à la reprise de l’épidémie. Or avec l’accueil de nombreux-ses usager-es, élèves et étudiant-es, ils sont un enjeu majeur en termes de circulation et de regroupement de personnes, la puissance publique a un devoir particulier de protection de ses personnels, de ses usager-es et de l’ensemble de la population. Comment, dès lors, comprendre le rétablissement du jour de carence depuis le 11 juillet : déjà injuste et inefficace en temps normal, il est dangereux en temps épidémique car sa logique conduit les agent-es à minorer leurs symptômes, à rebours des préconisations sanitaires les plus élémentaires. Cela est encore accentué par le resserrement extrème de la conditionnalité des Autorisations Spéciales d’Absence. Comment comprendre, par ailleurs, que le fait d’avoir contracté la COVID ne soit toujours pas reconnu comme imputable au service ? Le message envoyé aux agent-es public-ques est que la prise de risque à laquelle ils et elles consentent n’aura pas de contrepartie en termes de prise en charge par leur employeur.

Comment comprendre, en particulier, qu’élèves, étudiant-es et personnels continuent d’être entassé-es dans les lieux scolaires (y compris les cantines, donc sans masques) sans mesure supplémentaire. La FSU demande que davantage d’adultes soient recrutés et affectés dans les lieux scolaires et universitaires, ce qui permettrait une surveillance renforcée des gestes barrière, d’assurer nettoyage et désinfection des lieux, etc. Elle demande aussi que des enseignant-es supplémentaires, en particulier celles et ceux qui sont toujours en liste complémentaire, soient recruté-es et affecté-es, pour permettre un desserrement au moins partiel de la pression dûe à des effectifs de classe trop lourds. Elle demande que les équipes pluriprofessionnelles soient renforcées. Elle demande enfin la gratuité des masques et leur distribution en nombre suffisant pour les jeunes. Cela permettrait de ne plus connaître les situations où, par exemple, le même masque est porté toute la journée, ce qui ne constitue pas une protection satisfaisante.

La situation épidémique entraîne de nombreux surcroits de travail et cela dans un contexte éprouvant. Il ne peut être acceptable que la nature exceptionnelle de la situation puisse légitimer une extension sans limite des obligations et des charges. Les demandes faites aux agents doivent donc impérativement se limiter à celles qui sont les plus essentielles au bon fonctionnement du service public. Il en va de la prévention des risques psychosociaux comme de la qualité du
service exercé.

L’appréciation de la plupart des spécialistes converge : à la fin octobre il y aura autant de malades en réanimation qu’au plus fort de l’épidémie au printemps dernier. Le désarmement de l’hôpital et du système de santé depuis plusieurs décennies au nom d’une prétendue lutte contre les déficits publics a affaibli les capacités collectives de soin du pays. La situation est préoccupante à un moment où une partie importante du personnel soignant est épuisée, et ou le virus de la
grippe pourrait se superposer au COVID. Face au caractère particulier de ce virus qui se transmet par des porteur.se.s asymptomatiques, le corps médical plaide pour un dépistage rapide et systématique de la population en maintenant des protocoles sanitaires stricts. Mais comme pour la pénurie de masques il y a huit mois, la France a pris un retard considérable dans la mise en place d’un dispositif efficace de dépistage permettant d’identifier rapidement les personnes contagieuses.

La crise sanitaire génère une crise économique d’une ampleur considérable, qui va reléguer dans les mois à venir des pans entiers de population dans des formes de misère que l’après guerre et les mesures du Conseil National de la résistance avait éradiqué, justement conscient que la montée du nazisme avait été rendue possible par la misère notamment des plus âgés. Ce contexte actuel très violent socialement permet à l’extrême droite de prospérer dangereusement. La loi sur le séparatisme n’est rien d’autre qu’un alignement de plus en plus clair de ce gouvernement sur les thèses de l’extrême droite. La FSU refuse une loi de stigmatisation, de division et une nouvelle attaque des principes de laïcité. Emmanuel Macron parle de contrôle des écoles hors contrat. Ce contrôle concernera-t-il aussi les écoles Espérances banlieues soutenues par son ministre Blanquer? Personne n’est dupe : ce sont nos concitoyennes et concitoyens de confession musulmane qui sont visés par ce projet de loi qui vise à désigner un « ennemi intérieur ». Hérité du racisme colonial, ce projet est une nouvelle expression d’un débat public saturé de fantasmes xénophobes : l’usage du mot « ensauvagement » répété à l’envie par le ministre de l’intérieur, la monstrueuse mise en scène raciste de la députée Danièle Obono dans Valeurs actuelles, la « plaisanterie » d’un ancien président de la République assimilant « singe » et personnes noires, les humiliations publiques répétées de femmes qui portent le foulard… tout cela n’est pas le domaine réservé de l’extrême droite. Les principes laïques ne doivent pas être dévoyés ni être appliqués à géométrie variable. Modifier la loi de 1905 , comme le projette l’exécutif avec sa loi sur le prétendu « séparatisme » risque de détruire cet équilibre et de renforcer l’instrumentalisation de la laïcité.

La FSU appelle toute la population à refuser ces divisions, à se battre ensemble contre tous les racismes, à faire face ensemble pour exiger et construire des réponses aux urgences sociales. C’est pourquoi elle est engagée, avec 18 autres associations et syndicats, dans la démarche « plus jamais ça ». La convergence du mouvement social et des mouvements climat est un fait nouveau important. La FSU appelle les citoyen-ne-s a se rassembler pour faire valoir une toute autre logique, tournant le dos au capitalisme, articulant une profonde réorientation écologique et une profonde réorientation sociale, les deux étant à ses yeux aujourd’hui aussi indissociables qu’urgentes.

 

 

Compte rendu en cours de réalisation