Communiqué de presse FSU
Les Lilas, le 29 février 2012
La FSU refuse la tentative de constitutionnalisation du dogme de l’austérité et de la discipline budgétaire appliqué à l’Union Européenne par le Traité européen sur la « stabilité, la coordination et la gouvernance de l’Union économique et monétaire » (TSCG).
Le premier objectif de ce nouveau traité est de faire inscrire dans le droit de chaque pays signataire, sous la forme « de dispositions contraignantes et de caractère permanent, de préférence constitutionnelle », le principe autoritaire de la règle d’or qui contraint à l’équilibre budgétaire les États, mais aussi les caisses de protection sociale et les collectivités locales sous peine de tutelle et sanctions.
Dans le même temps, le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) a été signé le 2 février 2012 par les États membres de la zone Euro. Il est aujourd’hui devant le parlement. Dans le cadre du MES, des prêts seront octroyés aux États rencontrant des difficultés financières et une incapacité à emprunter sur les marchés financiers, cela « sous une stricte conditionnalité » : privatisations, réductions des salaires, démantèlement des services publics, etc. L’accès aux prêts du MES « sera conditionné, à partir du 1^er mars 2013, à la ratification du TSCG par le l’État concerné. ». Enfin, le MES ne rompt pas avec le dogme du financement de la dette par l’emprunt sur les marchés financiers.
La FSU dénonce ces nouveaux traités car :
– ces traités sont le résultat d’un processus non démocratique et bafouent la souveraineté des peuples
– ils ralentiront la croissance, augmenteront le taux de chômage et ne feront qu’aggraver la crise
– ils imposent une cure d’austérité massive avec à la clef le démantèlement du modèle social européen et des services publics.
A l’opposé de ces nouveaux traités, l’Europe a besoin d’une nouvelle politique monétaire, économique et sociale créatrice d’emplois de qualité dans le cadre d’un écodéveloppement.
La Confédération européenne des syndicats (CES) a clairement pris position contre le projet de TSCG. Elle dénonce « Le besoin de gouvernance économique utilisé comme un moyen de restreindre les mécanismes et les résultats des négociations, d’attaquer les systèmes de relations sociales, et d’imposer une pression à la baisse sur les niveaux de salaires négociés par convention collective, d’affaiblir la protection sociale et le droit de grève et de privatiser les services publics ».
La CES appelle à une journée d’action européenne décentralisée aujourd’hui. En France, la FSU appelle avec la CGT, CFDT, Solidaires, UNSA, les salariés, chômeurs, jeunes et retraités à en faire une puissante journée d’action unitaire en participant aux initiatives revendicatives organisées localement pour imposer une Europe sociale fondée sur la solidarité, la justice et la cohésion sociale.
« Si les mouvements sociaux européens se fédèrent, nous serons crédibles »
Propos recueillis par Claire Le Nestour – pour le journal Médiapart
Une délégation de mouvements sociaux européens s’est rendue en Grèce du 28 février au 1er mars pour « dénoncer l’escroquerie des “sauvetages” de la Troïka, et rencontrer les mouvements sociaux grecs ». Parmi les Français : des représentants syndicaux, des membres d’Attac ou du collectif Droit au logement. De retour d’Athènes, Sophie Zafari, chargée du secteur international de la Fédération syndicale unitaire, première organisation de la fonction publique d’Etat, nous livre ses impressions.
Vous avez rencontré, à Athènes, des membres des deux principaux syndicats, des ouvriers en grève et des représentants de la gauche
nouvelle. Qu’est-ce qui vous a marqué dans leurs discours ?
Ils nous ont posé beaucoup de questions sur la situation dans nos pays respectifs. En Grèce, on leur dit à longueur de journée, qu’ils sont fainéants, corrompus et privilégiés, pour faire passer les réformes d’austérité. Les syndicalistes ont été surpris d’apprendre que nous avions le 1 % patronal, par exemple, alors qu’on vient d’annoncer la fermeture de l’équivalent grec de l’office public des HLM.
Des mesures d’austérité supplémentaires sont votées tous les jours par les dirigeants. Cela devient tellement anxiogène pour eux que les mobilisations faiblissent. Pour les syndicalistes que nous avons rencontrés, il ne s’agit plus d’essayer de perdre 100 au lieu de perdre 200 : la seule issue, c’est le changement total de paradigme.
Comment ont-ils accueilli la venue d’une délégation de sept pays européens ?
Ils ont été soulagés de voir qu’on ne les prenait pas pour les mauvais élèves de la zone euro. Les deux grandes centrales syndicales grecques font la distinction entre syndicats du Sud de l’Europe et syndicats du Nord. Pour eux, la coopération va jusqu’à la France. Au-delà, ils ont fait une croix sur la capacité des pays, notamment l’Allemagne, à jouer la carte de la solidarité.
Pourtant, l’endettement de la Grèce a aussi servi à ces pays. 70 % des produits alimentaires vendus en Grèce sont importés. Si la Grèce tombe, les pays d’Europe du Nord seront aussi affectés. Un Etat ne peut pas maintenir sa croissance à côté d’un pays en récession. Mais les syndicalistes allemands ne s’en sont pas encore vraiment rendu compte.
Concrètement, qu’est-ce que les mouvements sociaux peuvent faire ?
L’erreur de la zone euro, c’est d’avoir adossé une union que l’on savait fragile à un monde financiarisé qui ne tient pas debout. On l’a vu au G20, il est impossible de moraliser ou régulariser la finance. Nous n’avons pas une alternative à proposer. Certains veulent la sortie de l’euro, d’autres non. Il n’y a pas non plus de position tranchée concernant l’annulation de la dette.
Pour nous, la première étape, c’est de fédérer les mouvements sociaux européens pour montrer que nous sommes contre la libre concurrence et la logique punitive de la Troïka (FMI, Commission européenne, BCE). Nous ne serons pas crédibles sans une large mobilisation. Les dirigeants sont conscients que le peuple peut faire basculer les choses. Il suffit de voir le déploiement de forces de police dans les rues d’Athènes pour le comprendre.
N’est-il pas un peu utopique de vouloir créer un mouvement social européen quand en France déjà, les partis de gauche se divisent sur le vote du Mécanisme européen de stabilité ?
Je ne dis pas qu’on arrivera tous à un accord, mais on sait au moins ce que nous ne voulons pas. Ce n’est pas au peuple de payer la crise. En période pré-électorale, nous avons tendance à nous replier sur notre situation nationale et attendre l’élection. C’est un tort car, quand on regarde chez nos voisins, on se rend compte qu’ils ont vécu les mêmes réformes que nous à quelques mois d’écart. Nous assistons à un nivellement par le bas, d’où notre intérêt de créer des rendez-vous thématiques de mouvements sociaux européens sur la santé, l’éducation ou les retraites.
Quant au Mécanisme européen de stabilité, les autorités l’ont rendu compliqué, ce qui ne facilite pas la compréhension par le public, et donc la mobilisation. En Grèce, la division ne se fait plus en termes de gauche ou droite. Il y a une ligne de partage entre ceux qui votent « oui » et ceux qui votent « non » aux mémorandums. En France, le point rassembleur des mouvements sociaux, c’est de vouloir chasser Nicolas Sarkozy.
Chasser Nicolas Sarkozy, pour le remplacer par qui ?
Je ne m’engage pas là-dessus au nom du syndicat, chacun choisira. Mais nous avons établi une liste de critères : la défense des services publics, le refus des politiques d’austérité, le financement direct des Etats par la Banque centrale européenne sans passer par les banques, la taxation réelle des flux financiers, l’audit de la dette, le retour sur la réforme des retraites ou la fin de l’opacité au sein de l’Union européenne. Si on accepte le traité souverain, nous connaîtrons à notre tour la fin de la liberté souveraine.
Propos recueillis par Claire Le Nestour – pour le journal Médiapart
Calendrier prévisionnel du collectif
29-31 mars : conférence sociale jointe à Bruxelles
19 mai : manifestation devant la BCE
Mai : séminaire des mouvements sociaux européens à Milan
Septembre : manifestation commune à Athènes