Le 4 mai 2011 Luc BEAL-RAINALDY, inspecteur du travail, secrétaire national du SNUTEFE FSU a mis fin à ses jours sur le lieu où se trouvent la Direction Générale du Travail, autorité hiérarchique de l’inspection du travail et la Direction de l’Administration Générale et de la Modernisation, chargée des ressources humaines et des relations sociales au ministère du travail.


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Ce jour-là Luc BEAL-RAINALDY a décidé de partir pour ne plus souffrir. Pour ne plus avoir à subir la dégradation de ses conditions de travail professionnelles et syndicales, le déni des ravages dus aux réformes,

le mépris manifesté aux agents du ministère du travail et à leurs représentants, le blocage total du dialogue social dans son administration.

Il a fallu attendre près d’un an après sa mort et trois commissions de réforme, réunies dans des conditions irrégulières et désastreuses pour les deux premières, pour que le suicide de Luc Béal-Rainaldy recueille le 12 avril 2012 un avis favorable à sa reconnaissance en accident de service. Cette reconnaissance porte sur les deux volets de son activité : professionnel en tant qu’inspecteur du travail et syndical en tant que responsable national et militant.

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l a fallu le témoignage courageux de son épouse, l’audition d’une psychologue spécialiste de la souffrance au travail, la forte mobilisation et le soutien massif des agents du ministère du travail et de leurs syndicats pour que la commission de réforme soit réunie dans le respect des formes légales et reconnaisse que le suicide de Luc Béal-Rainaldy a pour origine ses conditions de travail au ministère du travail.

Le ministre du travail Xavier Bertrand a cédé et a fait savoir qu’il suivrait l’avis de la commission de réforme.

C’est aussi la mobilisation des agents qui a permis la reconnaissance, ce jour, par la commission de réforme réunie à Lille, du caractère professionnel du suicide de Romain LECOUSTRE, jeune inspecteur

du travail.

Tout doit être fait pour que s’arrêtent les atteintes aux missions des services publics et pour que la souffrance au travail des agents de la fonction publique soit reconnue et éliminée.

Communiqué de Presse du SNUTEFE-FSU.

Pour prolonger, deux articles issus de Médiapart.

Le ministère du travail reconnaît le lien entre la mort d’un agent et son activité professionnelle

Le 12 avril par Mathieu Magnaudeix

Pour la première fois, une commission administrative du ministère du travail a admis ce jeudi le lien entre l’activité professionnelle et le suicide d’un de ses agents. En l’occurrence Luc Béal-Rainaldy, un inspecteur du travail qui s’était tué en se jetant du 5e étage dans les locaux mêmes du ministère à Paris, le 4 mai 2011. Le ministère a confirmé jeudi à Mediapart que Xavier Bertrand allait « suivre » la décision de la commission de reconnaître ce drame en accident de service – l’équivalent de l’accident du travail pour les fonctionnaires.

Dans la foulée, le suicide de Romain Lecoustre, un jeune inspecteur du travail qui s’était donné la mort en janvier dernier, pourrait lui aussi être reconnu le 19 avril prochain comme étant lié à son activité professionnelle. Il s’agirait alors d’une double première : le ministère n’avait jamais reconnu un lien entre le suicide d’un agent et son travail.

Les réorganisations se succèdent depuis plusieurs années dans cette administration, et les organisations syndicales pointent régulièrement la « politique du chiffre ».

« On ne s’y attendait vraiment pas », raconte Lydia Saouli. Cette déléguée syndicale du Snutefe-TFE a assisté ce jeudi à la commission de réforme qui se tenait à Nanterre (Hauts-de-Seine). À quatre voix pour (les deux médecins et les deux représentants syndicaux) et deux abstentions (le directeur du travail d’Île-de-France et le représentant du ministère des Finances), cette instance administrative a donné un « avis favorable à la reconnaissance à l’imputabilité au service » de la mort de Luc Béal-Rainaldy (photo).

Selon le relevé de conclusions, la commission a reconnu que la « conjugaison de l’activité professionnelle et syndicale » de cet inspecteur du travail avait été la « cause principale de son effondrement dépressif ayant abouti à son passage à l’acte mortel ». Le 22 mars dernier, la même commission avait pourtant refusé de statuer, suscitant l’inquiétude des proches du défunt. « C’est un énorme soulagement pour nous et sa famille, mais c’est aussi une surprise, compte tenu de la façon dont les choses étaient engagées : le ministère nous renvoyait sans cesse vers cette commission, or ces commissions ne sont pas adaptées à de tels dossiers. Les médecins qui y siègent ne connaissent pas bien les risques psychosociaux », déplore Dominique Maréchau, responsable national du Snutefe-FSU, le syndicat dont Luc Béal-Rainaldy était un dirigeant.

Ces derniers jours, les syndicats craignaient un refus. Ils avaient du reste appelé à manifester jeudi devant les locaux où se tenait la commission, comme ils l’avaient déjà fait le 22 mars dernier. Avec le ministère, le ton était brutalement monté. Dans un courrier envoyé mercredi 12 avril aux « membres de l’Inspection du travail » (cliquer ici pour le télécharger), Xavier Bertrand avait accusé les organisations syndicales de « vouloir se placer sur un terrain politique », d’« invoquer ces deux suicides pour dénoncer les mesures prises dans le cadre de la politique du travail » et de privilégier la « confrontation » à la « négociation ».

Depuis plusieurs semaines, l’intersyndicale ne relâchait pas la pression sur le ministère, souhaitant qu’il reconnaisse directement le lien entre ces drames et l’activité professionnelle. Le suicide de Luc Béal-Rainaldy, en mai 2011, avait créé un émoi profond. La mort par pendaison, en janvier 2012, d’un de ses collègues du Nord, Romain Lecoustre, âgé de 32 ans, avait à nouveau révélé le malaise d’une partie des agents. Depuis, le ministère était en ébullition. Les actions se sont multipliées, en province ou à Paris. Des cahiers de doléances recensant la souffrance quotidienne des agents sont remontés d’un grand nombre de départements. La protestation a enflé jusque dans les messageries électroniques, les agents n’hésitant plus à détailler leur quotidien au travail, comme l’a raconté Rue 89.

Sauf surprise, la commission de réforme du Nord devrait elle aussi reconnaître la mort de Romain Lecoustre, le 19 avril prochain. Ce jeune inspecteur du travail de 32 ans, sorti major de sa promotion, avait beaucoup souffert dans le cadre de son activité professionnelle. En poste à Arras avant d’être muté à Lille, quelques mois avant sa mort, il avait laissé quantité de lettres et de messages électroniques où il exprimait son malaise.

Un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), transmis à sa hiérarchie du ministère en décembre 2011, décrivait en huit pages implacables une « situation de souffrance au travail que sa hiérarchie n’a pas su éviter, voire a renforcée » et mettait directement en cause son supérieur de l’époque. En juillet 2011, Romain Lecoustre avait déjà tenté de mettre fin à ses jours. Cette tentative de suicide a d’ailleurs été reconnue comme un accident de service après sa mort. Fin mars, la commission de réforme du Nord avait pourtant refusé de se prononcer et demandé une expertise psychiatrique, décision qui avait suscité l’incompréhension de sa famille.

« Au vu de la nouvelle de cet après-midi, on voit mal comment l’avis pourrait être négatif pour Romain Lecoustre », dit Dominique Maréchau. Jeudi après-midi, les collègues de Luc Béal-Rainaldy ont célébré la nouvelle. Avec retenue. « Cela ne nous le ramènera pas, dit Lydia Saouli. Mais cette décision, c’est au moins la reconnaissance que Luc est mort à cause de ce qui s’est passé dans ce ministère, où il était entré à 19 ans. »

Romain Lecoustre est bien mort à cause de son travail

Le 19 avril par Mathieu Magnaudeix

Romain Lecoustre, jeune inspecteur du travail qui s’était pendu en janvier à Arras, est bien mort à cause de son activité professionnelle.

Réunie ce jeudi 19 avril à Lille, la commission de réforme, une instance administrative composée de médecins, de syndicalistes et de représentants du personnel a reconnu l’imputabilité au service du suicide. Cette décision devrait être, selon ses proches, suivie très rapidement d’une reconnaissance officielle par le ministère du travail, qui ouvrira droit à une indemnisation. Seuls les représentants de l’administration se sont abstenus, les quatre autres ont voté pour.

La semaine dernière, une commission administrative du ministère du travail avait admis le lien entre l’activité professionnelle et le suicide d’un de ses agents. En l’occurrence Luc Béal-Rainaldy, un inspecteur du travail qui s’était tué en se jetant du 5e étage dans les locaux mêmes du ministère à Paris, le 4 mai 2011. Le soir même, le ministère du travail avait confirmé qu’il suivrait l’avis de la commission et admettrait le lien entre le travail et le suicide.

En une semaine, le ministère du travail a donc reconnu ce lien à deux reprises, alors qu’il ne l’avait jamais fait.

« C’est un soulagement », dit Pierre Lecoustre, le frère de Romain, qui se battait depuis des mois pour cette reconnaissance.

Ces dernières semaines, le ministère du travail, qui a subi nombre de réorganisations ces dernières années, était en ébullition. Les actions se sont multipliées, en province ou à Paris. Des cahiers de doléances recensant la souffrance quotidienne des agents sont remontés d’un grand nombre de départements. La protestation a enflé jusque dans les messageries électroniques, les agents n’hésitant plus à détailler leur quotidien au travail.

« Espérons que ces décisions poussent le ministère à réfléchir à sa façon de gérer les agents », commente Lydia Saouli, du Snu, présente comme représentante du personnel dans les deux commissions.