La FSU 72 soutient cet appel, qui s’inscrit dans le combat mené depuis plusieurs années par notre section dans le cadre du collectif « Pas de village sans école »

Education nationale : «  »

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TRIBUNE

Sébastien Rome

Directeur d’école et élu municipal à Lodève (Hérault)

Sylvie Plane

Professeure émérite de sciences du langage, ancienne vice-présidente du Conseil supérieur des programmes (CSP)

 

Dans le projet de loi « pour une école de la confiance » de M. Blanquer, « s’est glissée une mesure qui rompt le lien entre l’école et la commune », jugent dans une tribune au « Monde » Sébastien Rome, directeur d’école et Sylvie Plane, chercheuse, interpellant sénateurs et maires.

Tribune. Le 19 février, l’Assemblée nationale a voté le projet de loi « pour une école de la confiance » montrant ainsi l’intérêt que la nation porte à l’École. Dans un pays où, plus que dans tout autre, les inégalités sociales pèsent sur la réussite des enfants, la politique éducative doit avoir pour principal objectif de lutter contre le fatalisme. A cet égard, la mobilisation de tous est donc nécessaire et doit être pérenne. Mais elle ne peut l’être que si elle repose sur un dialogue continu entre les acteurs du monde éducatif : parents, enseignants, collectivités, syndicats, élus de la nation et gouvernement.

Or, dans cette loi « pour une école de la confiance », présentée par Jean-Michel Blanquer, s’est glissée une mesure lourde de conséquences car elle rompt le lien entre l’école et la commune. Cette mesure est apparue sous la forme d’un simple amendement, adopté sans la moindre concertation. Son statut d’amendement lui a permis d’échapper à la fois à l’avis du Conseil d’Etat, à la discussion en commission parlementaire et à l’étude d’impact qui aurait permis aux députés de se prononcer en connaissance de cause.

Ni le monde enseignant, ni les syndicats, ni les maires n’ont été associés à la réflexion. Or, cette mesure s’inscrit en rupture avec la tradition républicaine qui a structuré nos territoires et nos communes en confiant à ces dernières la responsabilité des écoles. Cette mesure prend pour prétexte la nécessité de liens entre l’enseignement primaire et secondaire. Mais au lieu de renforcer les dispositifs existants qui facilitent ces liens, le texte instaure une nouvelle organisation plus complexe et plus verticale : il décide que le devenir des écoles ne sera plus du ressort de la commune, manifestant ainsi son mépris de l’échelon communal et de sa dimension humaine.

Absence des directeurs et directrices d’écoles élémentaires

Il complique de plusieurs façons le financement des écoles : celles-ci seront de facto administrativement rattachées au département ; la carte des écoles du bassin de recrutement du collège ne recoupe que partiellement celle des communautés des communes ou des agglomérations ; les maires verront leurs compétences marginalisées car ils ne siégeront que dans un vaste conseil d’administration où ils ne seront qu’un élu parmi d’autres.

Il est à prévoir que les économies, qui sont la vraie clé de cette mesure, se manifesteront par « l’optimisation » des moyens au niveau du bassin, affaiblissant par là encore plus l’échelon local. Autre preuve de l’absence de considération envers l’échelon local : l’article n’envisage même pas que soient consultés les conseils d’école et conseils d’administration, où siègent pourtant les représentants des personnels et des familles.

Plus grave encore, ce texte fait disparaître comme par un coup de baguette magique les directrices et directeurs d’écoles élémentaires et plus d’un siècle de l’histoire de notre école républicaine, laïque et populaire. Le principal du collège se verra attribuer les compétences de directeur d’école, devenant ainsi l’unique directeur de toutes les écoles du bassin de recrutement de son établissement.

De ce fait, les parents et le maire perdront leur interlocuteur familier, proche, incarnant l’éducation nationale. Au lieu d’avoir des réponses immédiates, comme celles que leur donnent actuellement les milliers de directrices et directeurs d’école dévoués à leurs tâches, ils se verront renvoyés, parfois, à plusieurs dizaines de kilomètres. Une nouvelle fois, ce sont les familles les plus éloignées de la culture scolaire qui en souffriront le plus.

Rupture du lien entre la collectivité et l’institution scolaire

Ce texte nie l’essentiel du travail invisible et pleinement humain de la direction d’école : faire le lien entre les parents, les enseignants, la collectivité et l’institution scolaire. Quel choc pour les parents lorsqu’ils vont découvrir qu’ils n’auront plus à proximité l’autorité légitime ! Quelle perte pédagogique pour les écoles quand on sait que celui qui œuvre de manière collégiale impulse les projets pédagogiques en contact direct avec les enfants !

Et quelle ironie qu’une loi dite « pour l’école de la confiance » détruise le lien entre les maires, les communes et les écoles, et cela au moment où le président de la République souhaite renouer avec l’échelon communal ! Le renforcement des liens entre écoles et collège est nécessaire et le ministre avait tout loisir de renforcer les dispositifs existants plutôt que de supprimer la représentation communale.

Nous, signataires de ce texte, appelons les sénateurs, représentants des territoires, à revoir profondément ce projet de loi lorsqu’il leur sera soumis, comme cela est prévu au cours du mois de mai. Nous interpellons aussi les maires et nous les invitons à prendre connaissance de toutes les conséquences néfastes de cette loi sur leur compétence.

Nous appelons les parents d’élèves et les citoyens à refuser que disparaisse l’interlocuteur de leur quotidien éducatif. La République est née dans les écoles et les mairies ; nous ne pouvons nous résoudre ni à voir le lien entre les communes et les écoles être rompu par la suppression cavalière des directrices et directeurs d’écoles, ni à voir la dissolution des écoles et collèges dans des structures technocratiques créées verticalement. C’est pourquoi, avec des dizaines de directrices et directeurs d’école et avec le soutien de personnalités du monde éducatif, nous lançons un appel contre la disparition du service public de proximité de l’école.

Sébastien Rome  (Directeur d’école et élu municipal à Lodève (Hérault))  et  Sylvie Plane(Professeure émérite de sciences du langage, ancienne vice-présidente du Conseil supérieur des programmes (CSP))

https://appeldes70directeurs.frama.site/

Soutenu largement par

Rodrigo Arenas-Munoz et Carla Dugault, co-présdients de la FCPE, Rémi Brissiaud chercheur en psychologie cognitive, Catherine Chabrun militante pédagogique et des droits de l’enfant de Institut Coopératif de l’École Moderne, Stéphane Crochet Secrétaire Général SE-Unsa, Laurence DeCock enseignante, historienne, Roland Goigoux  Professeur à l’Université Clermont Auvergne, Delphine Guichard dit « Charivari » enseignante, blogueuse,  Claire Leconte Chronobiologiste, Claude Lelièvre historien, professeur honoraire d’histoire de l’éducation, Sorbonne, Arnaud Malaisé, Régis Metzger & Francette Popineau, co.secretaires généraux du SNUIPP,  Lucien Marboeuf enseignant, blogueur, Phillippe Meirieu professeur en sciences de l’éducation à l’université Lumière-Lyon 2,  Catherine Nave-Bekhti, Sgen-CFDT, Antoine Prost historien, Bruno Robbes Maître de conférences HDR en Sciences de l’éducation, Frédérique Rolet Secrétaire générale  SNES FSU, Philippe Watrelot  professeur de SES, formateur et militant pédagogique.