Comment démocratiser l’accès aux métiers de l’Education ?

Communiqué de presse FSU

Les Lilas, le 24 août 2012

La question des recrutements est un enjeu majeur dans l’Education nationale. La loi d’orientation et de programmation devra établir un plan de recrutements sur plusieurs années afin de permettre de répondre aux besoins.

Or, force est de constater qu’il ne sera pas forcément facile de trouver les candidats pour pourvoir tous ces postes. C’est pourquoi la FSU propose notamment, et depuis longtemps, de mettre en place un système de pré-recrutements d’étudiant-es se destinant aux métiers de l’éducation.

En proposant d’implanter des emplois sous forme de contrats d’avenir à Education nationale, le gouvernement reconnaît la réalité de la crise de recrutement et la nécessité d’élargir son vivier.

Le dispositif présenté aujourd’hui au Conseil supérieur de l’éducation, est un système d’aide sociale qui peut contribuer à soutenir les étudiants et à ouvrir l’accès aux métiers de l’éducation. Il est en ce sens intéressant. Mais il ne constitue pas un véritable dispositif de pré-recrutements .

C’est pourquoi, la FSU demande des garanties dans la mise en œuvre de ce dispositif : type de travail demandé, obligation de formation, accompagnement sur le terrain, garantie de rémunération, liaison avec l’université afin que les étudiants ne soient pas pénalisés dans leurs études…

La FSU demande au Ministre l’ouverture immédiate de négociations avec les organisations syndicales afin d’offrir les meilleures conditions à ces étudiants pour poursuivre et réussir leurs études tout en découvrant les métiers de l’enseignement.

Par ailleurs, cette mesure ne fera pas l’économie d’une réflexion approfondie et de la mise en place d’un véritable plan de pré-recrutements pour la grande partie des étudiants qui se destinent tôt au métier de l’enseignement.

Déclaration de la FSU lors du Conseil Supérieur de l’Education du vendredi 24 août 2012

La question des recrutements, qui pour la FSU ne se dissocie pas des politiques éducatives à conduire, est un sujet majeur. La loi d’orientation et de programmation devra établir un plan de recrutements sur plusieurs années afin de permettre de répondre aux besoins. Mais nous savons que paradoxalement, il ne sera pas forcément facile de trouver les candidats pour pourvoir tous ces postes. C’est pourquoi la FSU propose depuis longtemps de mettre en place un système de pré-recrutements d’étudiant-es se destinant aux métiers de l’éducation.

En proposant d’implanter des emplois sous forme de contrats d’avenir à Education nationale, le gouvernement reconnaît ainsi la réalité de la crise de recrutement et la nécessité d’élargir le vivier. Ce dispositif, tel qu’il est présenté aujourd’hui, est un système d’aide sociale qui peut contribuer à soutenir les étudiants et à démocratiser l’accès aux métiers de l’éducation. Il est en ce sens intéressant même s’il ne constitue pas un véritable système de pré-recrutement.

Notre proposition de pré-recrutements impliquait de mettre en place des contrats de droit public et non de droit privé, un statut d’élève professeur garantissant par exemple des droits à retraite et des conditions d’encadrement et de formation pour réussir le master et le concours.

Dans la situation actuelle, la FSU souhaite que le dispositif proposé attire des étudiants vers nos métiers de l’enseignement et notamment dans des disciplines déficitaires.

Pour cela, la FSU a des exigences et soulève quelques questions. Pour la FSU, le recrutement et le pilotage du dispositif contrat d’avenir professeur doivent être assurés par les rectorats et elle ne veut donc pas d’un recrutement par le chef d’établissement dans le souci de répondre à une égalité de traitement des étudiants et de leur formation. Elle demande que ces emplois ne soient pas utilisés sur des missions en responsabilité ni comme des moyens d’enseignement ou de remplacement (ce qui pourrait être tentant en période de crise…). Il faut assurer un lien étroit entre l’université, le lieu de formation et l’école ou l’établissement d’affectation de l’étudiant.

En l’état ce dispositif n’est pas satisfaisant car il n’est pas piloté par la formation. C’est pourquoi la FSU demande des garanties : accompagnement sur le terrain, obligation de formation, stages obligatoires, modules de formation obligatoires en plus du cursus universitaire classique notamment pour assurer un aller retour, une analyse entre travail de terrain et réflexion théorique…

Elle demande au Ministre de l’Education de répondre aux questions qui se posent : Comment se fera le recrutement ? Sur quels critères ? Que se passe-t-il pour les étudiants en cas de redoublement ? Quel tutorat pour ces étudiants ? Quelles garanties concernant leur rémunération ? Quel co-pilotage université/employeur ? Quel type d’activité demandé ? Quels horaires ? Comment sera assuré la liaison avec l’université pour que les étudiants concernés ne soient pas mis en danger dans leurs études ?

La FSU demande au Ministre, l’ouverture de négociation immédiate sur ce sujet. Il s’agit de discuter dès à présent avec les organisations syndicales afin d’offrir les meilleures conditions à ces étudiants pour poursuivre et réussir leurs études tout en découvrant les métiers de l’enseignement.

Et aussi :

Un article du Café Pédagogique daté du 27 août

Recrutement : La banlieue au secours de l’Ecole ?

Débattu au CSE du 24 août 2012, le projet de loi sur les « emplois d’avenir professeur » (EAP) permettant un pré-recrutement des enseignants devrait entrer en application au 1er janvier 2013. Le texte facilitera l’accès au professorat de jeunes issus des quartiers populaires. Le ministère en attend une hausse sensible des candidatures aux concours et la levée de la chape de plomb qui pèse depuis la mise en place de la masterisation sur le recrutement des enseignants. Réponse originale et adroite à une crise bien réelle le texte pourrait aussi avoir des effets pédagogiques positifs.

La crise du recrutement des enseignants est un fait avéré depuis la « masterisation », c’est-à-dire l’obligation faite aux candidats des concours de l’enseignement de posséder un master 2. Elle frappe prioritairement les concours du second degré. En 2011, 826 postes n’ont pas été pourvus au capes externe et 706 encore en 2012. Toutes les disciplines ne sont pas dans la même situation. La crise est particulièrement grave en maths, en lettres (et surtout lettres classiques) et en anglais. En lettres classiques 69% des candidats présents ont été admis. C’est le cas encore en éducation musicale ou en allemand, alors que le taux de réussite habituel tourne autour de 30%. Les raisons sont bien repérées. En élevant le niveau de recrutement, on a raréfié le nombre des candidats potentiels et on a mis l’enseignement en concurrence avec d’autres métiers. A l’évidence ni en terme de salaire, ni en celui d’évolution de carrière, ni même maintenant en ce qui concerne les conditions de travail et l’autonomie, le métier d’enseignant ne peut se comparer avec les postes d’encadrement proposés par des entreprises privées ou d’autres administrations.

Recrutement en L2

Le projet de loi créant des « emplois d’avenir professeur » devrait entrer en application au 1er janvier 2013. C’est en seconde année de licence que seront recrutés les bénéficiaires de ces contrats à raison de 6 000 contrats par an sur trois ans. Pourront en bénéficier des étudiants âgés de 25 ans au plus se destinant aux concours d’enseignant , boursiers et issus des ZUS (zones urbaines sensibles) ou y ayant effectué leurs études . Ils bénéficieront d’une rémunération de 900 euros par an pendant 3 ans cumulable avec les bourses de l’enseignement supérieur. Les bénéficiaires s’engagent à exercer des activités péri-éducatives et pédagogiques, à suivre une formation initiale et à se présenter à un concours de l’enseignement.



Un recrutement populaire pour une Ecole démocratique ?

En facilitant l’accès aux études longues, les EAP visent d’abord à augmenter le nombre de titulaires de master et de candidats aux concours. Il va rechercher les futurs candidats très en amont jusqu’en L2. Ce mode de recrutement au niveau L3 est plus coûteux pour l’Etat que des contrats offerts en M1. Le gouvernement a finalement rendu un arbitrage très favorable en faveur de V. Peillon. Cette longue formation en 3 ans pourrait permettre un apprentissage sur le terrain du métier d’enseignant. Le titulaire d’un EAP bénéficiera d’un tuteur.

Mais le nouveau dispositif va également « populariser » le métier enseignant. Sans qu’on dispose de chiffres précis, la masterisation était accusée, par exemple dans le rapport de la sénatrice B. Gonthier-Maurin, d’avoir « embourgeoisé » la fonction enseignante, du fait de l’allongement de la durée des études. L’arrivée massive de jeunes issus des quartiers aura-t-elle aussi un effet pédagogique positif ? La longue fréquentation des futurs enseignants et des élèves durant les années d’EAP, leur origine sociale pourrait faciliter l’entrée dans le métier. Le regard porté sur l’Ecole pourrait aussi s’améliorer dans les quartiers. En effet le texte prévoit que le recrutement des EAP se fasse directement par les établissements scolaires.

Des inquiétudes

Si l’Unsa Éducation « considère que cela favorisera l’indispensable mixité sociale des enseignants et pourrait permettre de mettre un terme à l’inquiétante désaffection pour les concours », le syndicat s’inquiète de l’encadrement et du suivi des EAP. La FSU « demande des garanties dans la mise en œuvre de ce dispositif : type de travail demandé, obligation de formation, accompagnement sur le terrain, garantie de rémunération, liaison avec l’université afin que les étudiants ne soient pas pénalisés dans leurs études ». Pour le moment le suivi des EAP reste un point à éclaircir ainsi que le devenir des étudiants qui ne seraient pas reçus aux concours.

Des précédents

Les EAP ne sont pas sans rappeler les IPES qui avaient permis le recrutement des PEGC dans les années 1970. Mais les EAP renouent aussi avec une tradition historique : celle des écoles normales de la IIIème République. Celles-ci offraient une voie de promotion sociale à des jeunes issus de l’enseignement primaire qui n’auraient pu s’offrir la voie d’élite que constituaient le lycée et l’université. Pour faire l’Ecole du peuple, la République des Jules cherchait ses « hussards noirs » dans la classe populaire. C’est ce modèle que Vincent Peillon a aussi peut-être à l’esprit en ouvrant l’Ecole aux quartiers.

François Jarraud