La France n’est pas assez riche de ses enfants pour qu’elle ait le droit d’en négliger un seul.

(préambule de l’ordonnance de 45).

Les conclusions de la commission Varinard sur la refonte de l’ordonnance de 1945 seront rendues publiques dans les prochaines semaines. Au regard de la lettre de mission de la ministre de la Justice, nous devons nous préparer à riposter à des décisions qui nieraient la primauté de l’éducatif dans le texte qui fonde la justice spécifique des mineurs :

  • disparition de toutes les mesures éducatives au pénal (L.S, L.S.P),

  • exclusion des adolescents de 16 ans du dispositif de la justice des mineurs,

  • accélération des procédures de jugements en fixant dés la première comparution du mineur, une date de jugement dans un délai maximal de 6 mois, avec obligation de faire une proposition au magistrat dans un délai de trois mois,

  • instauration d’un âge de responsabilité pénale qui pourrait fournir le prétexte d’une modification de l’âge minimal actuel d’incarcération.

Avant toute décision législative, la direction de la PJJ met en place une politique qui recentre totalement les missions sur le contrôle, la probation, l’aménagement des peines et l’accompagnement de l’incarcération. En même temps, elle enjoint l’école nationale à centrer la formation des éducateurs sur ces seules missions.

Pour appliquer cette politique, elle exige des services et des personnels l’abandon des prises en charge au civil en exerçant un chantage à la fermeture des postes et des services, elle décrète la suppression des PJM.

Elle exerce une pression constante sur la nature des propositions des services, sur les délais de prise en charge et sur la durée de l’exécution des mesures, pratiquant chantage et intimidation.

D’ores et déjà ces commandes impératives se traduisent par des décisions administratives :

  • justification des budgets et des postes des services éducatifs sur la seule activité pénale,

  • refus des placements au titre de la protection,

  • injonction d’écourter les mesures d’AEMO, de renoncer à une demande de renouvellement, d’indiquer les modalités de transmission au SAH,

  • abandon des modalités de prise en charge en hébergement autonome, poursuite et accentuation de la fermeture des hébergements collectifs,

  • remise en cause du secteur autonome de l’insertion et utilisation des seules MAJ pour en mesurer l’activité,

  • suppression massive de postes et de services au prétexte du trop grand nombre de mesures civiles,

  • réduction de l’implantation de la PJJ à l’échelle du territoire national.

Cette transformation radicale des missions converge, par ailleurs, avec la réforme de l’Etat.

La réforme de l’Etat et la RGPP concernent toutes les administrations de l’Etat et a pour objectif de réduire drastiquement le nombre de fonctionnaires, renonçant ainsi au maintien des services publics et à une politique de solidarité garante de la cohésion sociale. Cette politique implique aussi bien la remise en cause des statuts des fonctionnaires, que de leurs métiers et une détérioration de leurs conditions de travail et de rémunérations. Elle se traduit par la disparition de certains corps de la PJJ par fusion (adjoints administratifs et techniques, SA) ou extinction d’autres corps (ATE, PT).

A la PJJ, ces réformes ont pour conséquences la réorganisation administrative (mise en place des DIR et de l’inter-départementalité), l’instauration de plateformes pour la gestion des personnels et de la paye, de plateformes de gestion du secteur public du SAH et, à terme, de la disparition des DD. Pour les personnels administratifs de la PJJ soumis à la fusion ministérielle des corps, c’est la spécificité de leurs métiers qui est remise en cause et leurs conditions d
e travail qui vont s’aggraver avec la mutualisation des services d’un même ministère. Le Directeur de la PJJ l’annonce clairement lorsqu’il explique que 30 personnels
suffiront pour le service des ressources humaines là où 300 sont actuellement employés à cette tâche.

La mutualisation des tâches conduira à un fonctionnement technocratique des services sans liens avec les terrains.

La réorganisation administrative comme l’inter-départementalité aboutissent à des suppressions massives de postes administratifs. Nous exigeons le maintien de leur présence dans tous les services et à tous les échelons territoriaux avec la définition de normes minimales au regard du nombre de personnels concernés. C’est la condition pour garantir un fonctionnement administratif des services permettant une prise en charge éducative de qualité. Cette réduction des moyens s’applique de la même façon dans les services éducatifs, d’autant plus fortement que la politique du Ministère consiste à supprimer une partie des missions et du travail de la PJJ.

Pour réaliser ces objectifs, la direction de la PJJ veut transformer les personnels en de simples exécutants en les confinant dans des tâches strictement techniques d’aide à la décision judiciaire et à des fonctions d’agents de probation. Pour cela, elle met en place un système hiérarchique coupé des réalités de la prise en charge, divise les personnels, multiplie les intimidations et instaure des procédures d’évaluation arbitraires et infantilisantes tout en développant les promotions et bientôt la rémunération au mérite par la généralisation des primes modulables.

Face à cette situation, les personnels persistent dans la défense au quotidien de leur travail, de leur éthique professionnelle et de leurs savoirs faire.

La défense des moyens, des missions éducatives et des conditions de travail a largement mobilisé les personnels ces derniers mois.

Au quotidien, dans les services, les collègues syndiqués ou non, mêmes isolés, continuent de solliciter et d’exercer des mesures éducatives.

Dans le prolongement des initiatives décidées par le SNPES-PJJ-FSU ayant conduit au boycott de plusieurs CTPC dans un cadre unitaire, les sections départementales et les comités régionaux ont repris à leur niveau des initiatives similaires de boycott de CTPR et de CTPD. Ces actions de boycott avaient pour objectif de manifester l’inquiétude et le mécontentement des personnels.

Ainsi, en Gironde, dans l’Hérault, à Chaumont, en Bourgogne, en Bretagne, en Ile de France, et dans le Nord Pas de Calais, des actions fortes, des grèves ont eu lieu. Dans de nombreux départements ou services des initiatives ont également été organisées : assemblées, rassemblements, conférences de presse, interventions dans des réunions institutionnelles… Ces initiatives ont démontré une volonté unitaire et l’importance d’associer les magistrats, les personnels des services habilités et de l’ASE aux actions.