Le communiqué de la FSU et un article de Médiapart

PISA 2012 : l’école française plus que jamais face au défi des inégalités sociales

L’enquête PISA publiée aujourd’hui montre des résultats français stables et dans la moyenne des pays concernés, mais à nouveau une montée des inégalités sociales face à l’école.

Sur ce classement international dont les limites sont évidentes, des précautions sont de mise : les systèmes éducatifs fonctionnent différemment selon les pays, PISA n’évalue pas tout, et l’objectif du système français n’est pas de « réussir à PISA ».

Alors quels enseignements en tirer pour la France ?

Il est intéressant de regarder ce que nous dit PISA depuis la première enquête de 2000. La principale caractéristique française se situe dans l’importance des inégalités entre les jeunes devant la réussite scolaire. Ces inégalités (scolaires mais aussi de genre et ethniques) sont fortement corrélées aux inégalités sociales. L’école reproduit donc en son sein les inégalités sociales qui marquent notre société, sans parvenir à les surmonter.

PISA éclaire donc une situation que nous connaissons bien et qui se traduit par un nombre important d’élèves en difficulté tout au long de leur parcours scolaire et par un nombre élevé de sorties sans qualification.

Ce constat renforce la détermination de la FSU à agir pour une réelle transformation du système éducatif. Après des années de destructions (suppression de postes, de la formation des enseignants,…) et de dégradations en profondeur des missions et des conditions de travail (stigmatisation des enseignants, prescriptions et pilotage du système éducatif par la performance), qui ont aggravé les inégalités scolaires, il est grand temps de reconstruire le service public de l’éducation pour permettre une réelle démocratisation de l’école.

Pour cela, la FSU réaffirme tout d’abord son ambition d’une exigence identique pour tous les jeunes. C’est un enjeu majeur des discussions qui s’ouvrent sur la rénovation des programmes et sur l’éducation prioritaire : les contenus, exigeants et mobilisateurs, doivent s’adresser à tous, y compris au sein de l’éducation prioritaire qui ne constitue pas une école « à part ». L’école doit être pensée en priorité pour les jeunes qui en sont le plus éloignés, celles et ceux qui n’ont qu’elle pour apprendre. Il s’agit d’assurer vraiment la réussite de tous, à tous les niveaux, de l’école maternelle à l’enseignement supérieur. Cela passe par un système scolaire commun, le plus inclusif possible et sur le plus long parcours possible. La FSU réaffirme qu’une politique ambitieuse de discrimination positive, par son effet compensatoire, doit permettre aux plus démunis de réussir dans le cursus scolaire commun. Alors que les inégalités se creusent, et que les difficultés sociales sont immenses, il ne serait donc pas pertinent de réduire la surface de l’éducation prioritaire.

Alors que s’ouvrent les chantiers sur les métiers de l’éducation, la FSU redit avec force qu’il faut redonner à tous les personnels la capacité et les moyens de faire mieux leurs métiers. L’école doit jouer son rôle d’amortisseur des inégalités et être en mesure de rétablir la justice dans les destins scolaires des élèves. Il s’agit de permettre aux enseignants de pouvoir réellement agir dans la classe, car c’est là que se joue l’essentiel des apprentissages, et à tous les personnels de mieux accompagner les élèves dans leur parcours scolaire.

Formation initiale et continue, reconnaissance du « travail invisible », développement du travail en équipes pluri-professionnelles, retour sur l’autonomie des établissements au bénéfice d’une autonomie pédagogique des équipes, questions d’effectifs, de temps, de programmes et de pratiques professionnelles… tout doit être traité et déboucher sur des mesures concrètes qui ne doivent pas faire l’impasse sur la revalorisation des métiers de l’éducation nationale et l’amélioration des conditions de travail.

Cette reconquête du système éducatif doit se faire avec les personnels car aucune transformation du système éducatif n’est possible sans eux, sans la reconnaissance de leur métier et de leur travail.

Pour permettre ces améliorations urgentes et indispensables, des moyens sont nécessaires partout, et en priorité là où ils sont notoirement insuffisants. Un investissement qui doit concrétiser la priorité à la jeunesse décidée par le gouvernement. Un investissement d’avenir aussi pour notre société. L’élévation du niveau de qualification reste une des conditions indispensables pour faire face à la crise et aborder les mutations économiques et culturelles à venir.

PISA : l’école française championne des inégalités

03 décembre 2013 | Par Lucie Delaporte

Les résultats de l’enquête PISA révèlent une école française aux résultats de plus en plus médiocres et où les inégalités n’ont jamais été aussi fortes. C’est une spécificité du système éducatif hexagonal et cela dresse un bilan sans appel d’une décennie où la droite était au pouvoir.

Vincent Peillon avait prévenu : les résultats de la nouvelle enquête PISA sont mauvais. Le cru 2012 de cette enquête, menée tous les trois ans dans 65 pays de l’OCDE auprès de 510 000 élèves âgés de 15 ans, et qui porte à la fois sur les mathématiques, la matière dominante cette année, mais aussi la compréhension de l’écrit ou la lecture scientifique, fait apparaître une école française aux résultats moyens, voire médiocres, et surtout toujours plus inégalitaire.

Lire ici la « note pays » concernant la France (en français)

Lire ici l’étude complète concernant les principaux résultats dans les 65 pays (en anglais)

Réalisée en mai 2012, cette enquête mesure les performances d’une école qui a été remodelée en profondeur par Nicolas Sarkozy. C’est plus largement le bilan d’une décennie où la droite était au pouvoir, ce que ne manquera pas de souligner Vincent Peillon qui compte bien s’appuyer sur ces résultats pour justifier ses réformes.

En mathématiques, l’un des points forts de la France en 2003 – dernière année où cette matière était majoritairement évaluée –, le pays se situe désormais dans la moyenne des pays de l’OCDE. La Corée, le Japon et la Suisse arrivent en tête. La France est au même niveau que la République tchèque, le Royaume-Uni, l’Islande le Portugal et la Norvège.

Dans cette discipline, la chute s’observe surtout entre 2003 et 2006, note l’OCDE. Alors que 25 pays ont amélioré leurs résultats et qu’autant sont restés stables, la France fait partie du groupe des 14 pays qui décrochent. « Le système s’est dégradé par le bas », souligne l’enquête de l’OCDE. Les 10 % d’élèves les moins performants ont vu leurs résultats chuter de 23 points quand les résultats des 10 % les meilleurs ont baissé de 6 %. L’écart entre ces deux groupes s’est donc creusé de 17 points en neuf ans.

En compréhension de l’écrit : la France se situe très légèrement au-dessus de la moyenne de l’OCDE avec 505 points pour une moyenne de 496. Le score est identique à celui de 2000, alors qu’en 2003 et 2006 elle avait reculé, pour commencer à s’améliorer en 2009. Pour autant, ce résultat honorable masque, là encore, un écart croissant entre les bons et les mauvais élèves français. « La proportion d’élèves très performants a augmenté de quatre points », selon l’OCDE, celle des moins performants a augmenté d’autant. D’autre part, les 10 % les meilleurs ont augmenté leurs résultats de 20 points alors que les 10 % les plus faibles ont chuté de 23 points. La France est, avec Israël, le pays où cet écart est le plus grand.

Autre fait notable, l’écart entre filles et garçons s’est fortement creusé entre 2000 et 2012 de 29 à 44 points. La proportion d’élèves en difficulté a augmenté de 6 % chez les garçons (+2 % pour les filles ), alors que celle des meilleurs élèves augmentait de +6 % pour les filles et +2 % pour les garçons.

Si dans l’ensemble de l’OCDE, être issu de l’immigration – première et deuxième génération – est un facteur d’inégalité scolaire, c’est encore plus vrai en France. Ainsi, « les élèves issus de l’immigration (14,9 % en France contre 12 % moyenne OCDE) sont deux fois plus susceptibles (1,7 moyenne OCDE) de compter parmi les élèves en difficulté », remarque l’enquête. En France, ces élèves sont ainsi 43 % à se situer sous le niveau 2 en maths, le niveau de base (40 % en Autriche, Finlande, Italie, Mexique, quatre pays également mauvais sur ce plan) contre seulement 16 % au Canada par exemple. Dans ce dernier pays, comme en Irlande ou au Royaume-Uni, à milieu social identique ces élèves ont les mêmes résultats.

À milieu socioéconomique équivalent, « les élèves issus de l’immigration accusent des résultats nettement inférieurs de 37 points à ceux des élèves autochtones, soit l’équivalent d’une année d’étude », contre 27 points en moyenne dans les pays de l’OCDE.

Plus troublant encore, « alors que l’écart de performance en mathématiques entre élèves issus de l’immigration et autochtones a diminué de 11 points en moyenne parmi les 29 pays disposant de données comparables entre les évaluations PISA 2003 et PISA 2012 (…), il a dans le même temps augmenté de 24 points en France ». Le décalage s’atténue cependant entre élèves immigrés de première et deuxième génération.

Silence chez les responsables de la droite

L’enquête PISA révèle bien une école française devenue ces dix dernières années de plus en plus inégalitaire. « En France, la corrélation entre résultats scolaires et milieu socioéconomique est bien plus forte que dans la plupart des pays de l’OCDE. » L’augmentation d’une unité de l’indice PISA de statut économique social et culturel entraîne une augmentation du score en mathématique de 39 points dans les pays de l’OCDE et de 57 points en France, « l’augmentation la plus marquée de tous les pays » de la zone.

La France se retrouve sur ce plan dans le groupe des plus mauvais élèves avec la Bulgarie, le Chili, la Hongrie, le Pérou, la Slovaquie et l’Uruguay. « Lorsqu’on appartient à un milieu défavorisé, on a aujourd’hui moins de chance de réussir en France qu’en 2003 », montre l’enquête.

À droite, on ne se bouscule pas pour commenter ces résultats qui sanctionnent pourtant un bilan d’une décennie aux affaires. Contacté, l’ancien ministre de l’éducation Xavier Darcos, désormais à l’Académie française, nous a fait répondre qu’il « ne commentait plus les questions éducatives » et qu’il était « passé à autre chose ». Luc Chatel n’a pas plus donné suite à nos demandes.

Seul Benoist Apparu a accepté de revenir sur ce bilan peu glorieux. « J’entends déjà monsieur Peillon nous dire que ces évaluations sont le résultat des suppressions de postes ou de la suppression de la formation initiale… La réalité est un poil plus subtile que cela ! » s’agace-t-il. « PISA évalue les compétences de base des élèves de 15 ans. Or ces élèves sont entrés à l’école primaire lorsque Lionel Jospin était au pouvoir (en 2000, ils entraient en maternelle, ndlr) », précise cet ancien chef de cabinet de Xavier Darcos et désormais en pointe à droite sur les questions d’éducation. « Les vraies failles du système éducatif, à savoir les missions des enseignants dont le travail ne peut se résumer à transmettre des savoirs, mais aussi la nécessaire autonomie des établissements, n’ont pas été traitées depuis trente ans, droite et gauche confondues », admet Benoist Apparu. Si la droite a failli, selon lui, c’est par manque d’audace : « Le rapport de la droite à l’éducation est compliqué. À chaque fois qu’on a essayé de traiter les problèmes éducatifs de façon lourde, on s’est pris un retour de boomerang. »

Une chose est sûre : cette enquête ne mesure encore que marginalement les conséquences des suppressions massives de postes dans l’éducation – entamées en 2007 – ou de la casse de la formation initiale des enseignants – mise en œuvre en 2009 – dont les effets vont se faire sentir ces prochaines années. Le pire est donc encore à venir.