Un monde d’après sans racisme ni violence policières ?

C’est possible et nous allons le faire !

Georges Floyd est mort sous le genou d’un policier en criant «je ne peux plus respirer ». Il est peu discutable que ce meurtre soit lié à un préjugé raciste et, très certainement, aussi un préjugé de classe.

Une police raciste et violente ?

Pourquoi, alors que presque 30 ans se sont écoulés depuis Rodney King et les émeutes de 1992, aussi peu de choses ont changé ? Tout simplement parce qu’il ne s’agit pas d’une simple question de personnes, d’actes isolés mais bien plus d’un système et du rôle de la police en son sein.

Il ne s’agit bien sûr pas de jeter l’opprobre collectivement sur l’ensemble des policier-es, dont certain-es sont très certainement sincères. Mais cela n’empêche pas de regarder objectivement les éléments structurels de ces questions : C’est bien l’institution, son rôle dans la société mais aussi ces organes de contrôle qu’il faut interroger.

« Maintenir l’ordre », c’est garantir l’ordre social existant sous tout ses aspects. Et disons le sans ambages, l’ordre social actuel est inégalitaire et raciste. C’est bien parce que la police a cette responsabilité dans notre système que le pouvoir couvre ce qu’il appelle des simples « dérives », garantissant ainsi un sentiment d’impunité. Et aucun contrôle indépendant ne s’exerce, la police des polices, l’IGPN, étant à la fois juge et parti. Quant aux discriminations quelqu’elles soient, qui structurent actuellement notre société, voir l’État, se répercute de façon évidente dans l’institution qui est garante de son maintien et sa stabilité.

Le 12 mai dernier, le Défenseur Des Droits dans son avis parlait pourtant bien de discrimination systémique concernant les pratiques policières : « C’est ainsi la somme des pratiques constatées (…), qu’il s’agisse de discriminations directe, indirecte ou de harcèlement, [qui créé] un cadre où se déploie la discrimination systémique ».

S’il faut convaincre de tout cela, il n’y a qu’à voir l’importance du vote d’extrême-droite dans les rangs de la police, les statistiques concernant les contrôles au faciès, les enquêtes pour violences qui n’aboutissent jamais… Notre Ministre de l’intérieur lui-même ne parle-t-il pas de propos honteux quand Camelia Jordana parle de la peur de la police qu’ont les populations issues de l’immigration, vécu réel pour des millions de françaises et de français ? Et Didier Lallement, préfet de police de Paris, qui condamne déjà par avance les policiers qui pourraient mettre un genoux à terre en solidarité…

France, Etats-Unis : tant de différences ?

Pourquoi ce qui nous choque et provoque un émoi légitime quand cela a lieu là-bas, ne provoque pas les mêmes réflexions, le même traitement médiatique quand cela a lieu ici ? Pourquoi la mort d’Adama Traoré en 2016, les violences commises contre les Gilets Jaunes ou la mort de Steeve à Nantes n’ont pas provoqué une solidarité similaire ?

Nous entendons un peu partout « la situation est différente », « on ne peut pas comparer »… Dans une brillante Tribune intitulé « Partout le Feu »1, la sociologue Katar Houarchi montre bien à quel point les médias jouent un rôle déterminant dans le traitement différencié de deux affaires dont pourtant les similitudes frappent : deux hommes noirs innocents mais ayant des antécédents judiciaires meurent étouffé par une technique de placage ventral effectuée par un policier blanc.

Car si comparaison n’est jamais raison, il n’en reste pas moins qu’elle est, en l’espèce, non dénuée de fondement. La structure sociale française repose sur des ressorts similaires à celles des Etats-Unis. Le capitalisme y fait exploser les inégalités, même si dans la société française l’État providence joue un rôle non négligeable d’amortisseur social. Cela donne néanmoins toujours plus corps à cette célèbre corrélation entre classes laborieuses,ou populaires, et classes dangereuses2 datant du XIXème siècle.

Le racisme est aussi omniprésent dans ces deux sociétés. Là encore son origine et son histoire sont très différentes. Si le racisme d’État aux USA s’ancre dans l’esclavage et l’apartheid, cela n’empêche pas que le traitement des questions post-coloniales et d’immigration en France est une des causes de la montée incessante de l’extrême-droite raciste jusqu’aux portes du pouvoir. Et dans son rapport rendu en 2018, la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme montre qu’un français sur deux pense qu’il y a trop d’immigré-es en France et un peu plus encore se déclare au moins « un peu raciste ».3

Quant au sentiment d’impunité, il n’y a qu’à voir le nombre de fois où le policier qui a tué George Floyd avait été déjà dénoncé pour ce type d’actes et combien d’enquêtes aboutissent en France…

Un mouvement syndical à l’offensive pour la défense des droits et des libertés

Les américain-es nous montrent aujourd’hui l’exemple en descendant dans leurs rues dans une mobilisation multiforme. Ce sont les questions de privilèges qu’ils soient d’origine ethniques et économiques qui sont posées. C’est le rôle de la police comme garant de cet ordre inégalitaire qui est dénoncé. Tout cela à juste titre.

Les ressorts de lutte aux Etats-Unis, hérités des mobilisations pour les droits civiques et adossés à une organisation communautaire sont différentes de ce qui peut avoir lieu en France. Mais l’histoire du mouvement ouvrier en général, et du mouvement syndical en particulier, s’inscrit totalement dans les luttes d’émancipation.

C’est pour cela que la FSU a participé aux manifestations qui ont rassemblées plusieurs dizaines de milliers de personnes partout en France les dernières semaines et qu’elle continuera à le faire. Des manifestations jeunes, dynamiques, qui, malgré l’interdiction de manifester, se sont tenues dans un élan commun pour construire un monde plus juste et débarrassé des oppressions.

Il y a urgence à ce que le mouvement social prenne toute la place qui est la sienne en s’accordant sur une chose : Il ne saurait suffire d’éliminer les « pommes pourries », c’est le panier lui-même qui est en cause, à Minneapolis comme chez nous.

À nous d’en construire un nouveau et les mobilisations qui se sont déroulées sont un formidable espoir pour y parvenir.


2Classe Laborieuse, classe dangereuse, Louis CHEVALIER, 1958