Quelques questions à partir de la séance du COR (19 décembre 2007) La revalorisation des « petites retraites » fait partie des projets présidentiels.
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Ce projet est lui-même une contradiction puisque les réformes Balladur et Fillon qui pénalisent d’abord les carrières courtes et incomplètes génèrent beaucoup de « petites retraites ».
En 2003, la loi Fillon a garanti une retraite minimum équivalent à 85 % du Smic net pour les salariés ayant une carrière complète et cotisée au SMIC. à temps plein. Il s’agissait avant tout d’un affichage politique car les salariés remplissant ces conditions ne sont pas très nombreux, et ce dispositif de la loi Fillon ne protège pas les plus concernés, ceux que l’on dénomme « travailleurs pauvres ».
La première chose à faire est donc de définir ce que sont les « petites retraites » . Au sens large, la plupart des pensions vont devenir « petites » puisqu’elles vont diminuer relativement. Le gouvernement, inquiet des sondages, envisage maintenant un rattrapage du niveau général des retraites (Le Monde du 22 janvier), alors que le 1er janvier il a procédé à une revalorisation très minimum des retraites ! Au sens le plus strict, les petites retraites, ce sont les pensions qui sont garanties dans les régimes d’assurances sociales par des minima, le minimum contributif dans le régime général, le minimum garanti dans la fonction publique.
Il faut aussi prendre en compte le minimum vieillesse qui n’est pas un minimum de pension, mais dont l’objectif est d’assurer à toute personne âgée de plus de 65 ans un niveau de vie minimum. L’une des promesses de Sarkozy est d’augmenter de 25 % en cinq ans le minimum vieillesse
Le minimum contributif
Le minimum contributif avait à l’origine pour vocation d’assurer une pension minimum aux travailleurs ayant une carrière longue, mais aux salaires modestes. Environ la moitié des nouveaux retraités de droit direct du régime général sont au minimum contributif. Les personnes ayant une carrière incomplète, dans certains cas très courte, et qui sont en majorité des femmes, constituent aujourd’hui plus des deux tiers des bénéficiaires du minimum contributif. Parmi eux, également, des bénéficiaires de pensions attribuées au titre de l’inaptitude ou de l’invalidité.
Le minimum vieillesse
Le minimum vieillesse, ou allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA depuis le 1er janvier 2007), est une allocation différentielle : lorsque le total de la ou des allocations de solidarité et des ressources personnelles de l’intéressé ou des époux, concubins ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité dépasse le montant de l’ASPA, les allocations sont réduites à due concurrence. En 2007, le montant de l’ASPA s’élève à 621,3 euros par mois pour une personne seul et 1 114,5 pour un couple. Ce « minimum » vieillesse est inférieur au seuil de pauvreté, défini au niveau de 60 % du revenu médian : il s’établit pour une personne seule à 75 % du seuil de pauvreté, et à 89 % pour un couple.
La DREES estime que le montant du minium vieillesse ne mesure pas complètement le niveau de vie des bénéficiaires : les aides aux logements pour les locataires, les droits connexes (exonération de la CSG et de la CRDS, de la taxe d’habitation et de la redevance audiovisuelle, aide au paiement d’une complémentaire santé, …) ne sont pas compris, de même que pour les propriétaires l’avantage que leur confère le fait de ne pas payer de loyers. En prenant en compte les aides au logement et les loyers fictifs imputés aux propriétaires, on arrive à une somme équivalente au seuil de pauvreté.
Quoi qu’il en soit, la loi de 2003 ayant consacré l’indexation du minimum vieillesse sur les prix, celui-ci va décrocher mécaniquement de plus en plus du seuil de pauvreté, indexé lui sur le revenu médian qui progresse plus vite que l’inflation. Le COR admet qu’une correction de cette évolution serait justifiée pour éviter ce décrochage. Le taux de pauvreté des plus de 55 ans (9,4 %) est aujourd’hui inférieur aujourd’hui à celui de la population (12 %). mais avec l’arrivée à l’âge de la retraite des générations qui ont connu le chômage de masse et des contrats précaires ou à temps partiel, la pauvreté va signer son retour chez les pensionnés.
Cela se traduit par une évolution de la population bénéficiaire du minimum vieillesse. Cette population a été divisée par quatre depuis 1959, concerne encore 610 00 personnes (2006) : il s’agit d’une population âgée (76 ans en moyenne) et féminine (62%), n’ayant pas ou peu contribué aux régimes de retraite. Mais cette population change : 89 % des bénéficiaires (2004) perçoivent un droit de retraite, donc 80 % ont des carrières incomplètes. En clair le minimum vieillesse est perçu par une population croissante de salariés qui ont de petites pensions.
La revalorisation du minimum vieillesse
Sarkozy a évoqué une revalorisation significative du minimum vieillesse, de l’ordre de 25 % qui le porterait au niveau du seuil de pauvreté. Le coût serait de 2,5 milliards d’euros. Une autre variante consisterait à augmenter le minimum vieillesse de 20 % seulement pour les personnes seules (coût : 971 millions).
Ces coûts sont largement à la portée de notre
société. Le problème est plutôt du côté des choix politiques qui favorisent les catégories les plus aisées.
Une revalorisation importante du minimum vieillesse pose le problème de sa relation au minimum contributif dans le système d’assurances sociales.
Relever le minimum vieillesse de 25 % conduirait à un doublement du nombre de bénéficiaires, incluant non seulement de nombreux titulaires de pensions incomplètes, mais aussi des retraités ayant effectué une carrière complète et bénéficiant du minimum contributif.
En quelque sorte les assurés sociaux les plus modestes seraient rattrapés par le dispositif d’assistance. Ainsi, parmi ceux ayant une carrière complète et qui bénéficient du minimum contributif, plus du tiers percevrait une retraite inférieure au seuil du minimum vieillesse revalorisé de 25 % contre 19 % si le minimum vieillesse n’était revalorisé que de la seule inflation.
Il existe donc une tentation de maintenir le minimum vieillesse à un niveau assez bas pour conserver l’écart avec le minimum contributif, pour valoriser le « travail », tout comme on maintient l’écart entre le RMI et le SMIC pour les personnes d’âge actif.
Mais ce raisonnement est biaisé par l’accroissement du nombre de personnes qui ont travaillé, mais se retrouvent au minimum vieillesse du fait du chômage, de la précarité et de l’impact sur eux des réformes des retraites. Le débat sur la façon de traiter le problème des « petites retraites » ne peut manquer d’émerger sur le devant de la scène.
L’affaiblissement des mécanismes de solidarité au sein du régime d’assurance, comme le passage des 10 aux 25 meilleures années, ou leur difficulté de financement par le Fonds de solidarité vieillesse (qui paye par exemple les cotisations vieillesse pour les chômeurs indemnisés), risque d’aboutir à une évolution comparable à celle de l’assurance chômage, qui en réduisant sa couverture, a renvoyé un nombre croissant de chômeurs vers les dispositifs d’assistance.
S’agissant des retraites, on aurait un système à deux vitesses, les salariés pauvres relevant du minimum vieillesse, tandis que les salariés plus stables seraient invités à compléter leur retraite par répartition, soit par des dispositifs d’employeurs, soit par de l’épargne individuelle.
Daniel Rallet