Ce texte de la coordination nationale "Formation des enseignants" synthétise les enjeux et l’état actuel du dossier. Il appelle à amplifier la mobilisation en participant aux actions du 2 avril pour obtenir le retrait définitif et des états généraux de la formation.

Coordination nationale Formation des Enseignants. 29 mars 2009

De nouveaux reculs… Mais la réforme est encore là.

Nous obtiendrons son retrait !

Après avoir concédé, le 20 mars dernier, le maintien des concours dans leur forme actuelle en 2010, M. Darcos et Mme Pécresse viennent d’annoncer que les étudiants titulaires d’une licence pourraient s’inscrire aux formations actuelles PE1, PLC1, etc. à l’IUFM ou en master 1 à l’Université. Par là même, le feu vert est donné aux inscriptions en 1re année dans les IUFM, que 13 d’entre eux avaient déjà ouvertes.

Ainsi, en quelques jours, bien que Xavier Darcos ait déclaré qu’il ne serait pas « le ministre de l’hésitation nationale », le gouvernement vient de céder à des demandes auxquelles il était resté sourd jusque-là. Les membres des collectifs locaux d’enseignants-chercheurs, formateurs, stagiaires, étudiants et Biatoss, syndiqués et non syndiqués, sont en droit d’y voir le résultat de leur action et de leur opiniâtreté.

Le gouvernement annonce aussi que la 1re année de formation, pour les étudiants inscrits en IUFM, sera validée comme 1re année de master. Comme l’analysent plusieurs présidents d’université dans une déclaration du 27 mars, derrière ce qui peut apparaître comme une autre concession, le gouvernement cherche en fait à enclencher de façon irréversible le processus de réforme de la formation dès septembre 2009. Or sur le fond, son projet reste inchangé, il tourne toujours le dos à l’amélioration de la formation.

Au total, les reculs sont donc réels, mais le gouvernement reste déterminé à réaliser sa réforme.

C’est pourquoi nous demandons à nouveau le maintien intégral des conditions actuelles de formation en 2009/2010 et celui des dates habituelles des concours. Pour les lauréats des concours 2010, nous exigeons aussi l’accès aux formations actuelles, rémunérées en tant que fonctionnaires stagiaires.

L’assemblée unanime des directeurs des départements de Lettres et Sciences Humaines, réunis le 28 mars, invite le gouvernement à convoquer les États Généraux de la formation des enseignants et à organiser la réflexion sur la formation, les concours et le financement des études avec toutes les parties prenantes. La Conférence de Directeurs d’IUFM a formulé la même demande. Nous appuyons totalement cette idée et nous invitons les présidents d’université à se concerter pour engager dès maintenant ce processus démocratique de façon décentralisée, dans les UFR et les IUFM, puis au niveau académique.

Nous appelons les collectifs à se donner les moyens d’informer les personnels, les stagiaires et les étudiants. Il s’agit de mesurer ensemble, exactement, la réalité des reculs obtenus. Nous les appelons à renforcer l’action pour obtenir le retrait de la réforme actuelle et la convocation des États Généraux.

Ø Organisons partout, le 31 mars, des cérémonies de non-remise des maquettes : pas une seule maquette de master ne doit arriver chez Mme Pécresse, ni le 31 mars, ni après !

Ø Participons activement à la journée nationale du 2 avril : 1 000 manifs pour l’éducation.

La coordination nationale formation des enseignants tiendra sa 3e réunion samedi 4 avril à Paris.

Cette réforme c’est toujours…

· La disparition de l’année de formation en alternance rémunérée après le concours, remplacée par une année dite de « stage » où le débutant assumerait 2/3 du temps de classe (aujourd’hui, PE = 1/3 ; PLC = 45 %).

· En lieu et place de cette année essentielle pour la professionnalisation, des stages facultatifs au cours du master, limités à 108 heures par an, et en nombre insuffisant pour assurer des conditions de formation égales : 50 000 stages sont prévus pour 140 000 candidats inscrits aux concours habituellement !

· Une année M2 qui serait un ingérable fourre-tout : préparation du concours, autres enseignements, réalisation du mémoire de recherche, stage en responsabilité… en plus d’un « boulot » pour 1 étudiant sur 2.

· Un corps potentiel de précaires constitué des reçus au master-collés au concours (ou admissibles seulement).

· Des épreuves de concours hybrides qui ne garantissent pas la maîtrise des connaissances disciplinaires…

· La concurrence entre universités, les inégalités territoriales, la braderie des personnels des IUFM, de leurs savoir-faire dans la formation, la disparition de certains sites dans les départements ruraux, l’étouffement de la recherche didactique et pédagogique, etc.

Si on les laissait faire…

Le gouvernement veut toujours réaliser sa réforme alors que son projet est toujours aussi instable, flou et contradictoire : pour qui voudrait le mettre en œuvre, manqueraient des précisions indispensables sur les stages en M1 et en M2, sur les concours et leur date (janvier et mai de M2 ou octobre et mai, comme annoncé tout récemment ?), sur l’année de stage, sur l’utilisation du potentiel de formation et de recherche des IUFM, sur l’organisation des coopérations interuniversitaires, etc. Concevoir des masters enseignement et les ouvrir en septembre dans de telles conditions, ce serait grotesque ! Il n’y a que d’obscures officines privées qui s’y soient risquées.

Avec ces mesures, les IUFM seraient particulièrement fragilisés : les étudiants visant une préparation au métier de PLC s’inscriraient en M1 dans leur UFR, mais ils y resteraient naturellement en M2 (actuellement l’IUFM accueille les PLC2 et organise leur formation). De la sorte, on aboutirait à réserver les IUFM aux formations des PE (moins ceux que des universités concurrentes auraient réussi à « capter »), des PLP (moins ceux que…) et des CPE et l’on institutionnaliserait la coupure entre 1er et 2nd degré. Et si les IUFM ne participaient pas ès qualités au suivi et à la validation de l’année de stage, ils seraient évincés de cette phase de la formation qui suivrait immédiatement le concours et que le ministère appelle « continuée ». Dès l’an prochain, avec la diminution de 30 % des postes dans le premier degré, la formation initiale PE2 et la formation continue associée seront amputées d’un tiers.

Certes, les deux ministres se sont engagés à maintenir durant l’année prochaine les moyens des IUFM et tous les sites départementaux, mai
s cet engagement n’a aucune fiabilité dans le cadre de l’autonomie des universités : celles qui ont intégré un IUFM feront bien ce qu’elles voudront si elles n’ont plus d’usagers (étudiants et stagiaires) dans leurs antennes décentralisées.

Les UFR, elles aussi, seraient fragilisées : le siphonnage de leurs masters actuels s’amorcerait dès les prochaines inscriptions universitaires.

Les personnels impliqués dans la formation des enseignants dans les UFR et dans les IUFM ne peuvent accepter le marché que le gouvernement veut leur « placer » : « vous pouvez inscrire les étudiants à des préparations aux concours actuels, mais laissez-moi démarrer ma réforme ».

Pour les étudiants, ces annonces soulèvent beaucoup de questions :

· Dans quelle formation s’inscriront-ils si l’université n’a pas ouvert de master enseignement, soit parce que, comme la plupart des universités, elle a refusé de participer à la course à la médiocrité et n’a pas envoyé de maquette, soit parce que sa maquette n’a pas été habilitée ?

· Sur quels critères serait attribuée la reconnaissance de l’année de M1 en IUFM : concours blanc, contrôle continu, mixte des deux ? Prendrait-on les stages en compte ? Sinon, est-il sérieux de parler de « master professionnel » ?

· Il serait logique et juste que les PE1 et PLC1 qui réussiront les actuels concours de 2010, l’année suivante, soient fonctionnaires-stagiaires et bénéficient des actuels plans de formation. Ce n’est pas ce que les ministères ont prévu. Ils veulent recruter les lauréats des concours 2010 comme enseignants-stagiaires en 2011 sous réserve qu’ils aient obtenu leur M2. Ainsi, un lauréat du concours 2010 collé au master perdrait le bénéfice de son concours ! Quant à ceux qui seraient recrutés comme fonctionnaires-stagiaires, ils auraient un service à 2/3 temps, bien plus lourd qu’aujourd’hui.

· Les étudiants inscrits en IUFM en septembre 2009 pourraient-ils poursuivre en M2 en IUFM ? Dans quel master, alors qu’ils n’existent pas encore ? Et avec quelle articulation entre M1 et M2 ?

· Ceux qui auraient le M1 en 2010 et échoueraient au concours, devraient-ils redoubler, pourraient-ils repasser ces mêmes épreuves en M2 ou devraient-ils se préparer aux épreuves du nouveau concours associées au M2 ?

· Et leslauréats qui se seraient inscrits comme candidats « libres » (cette catégorie est nombreuse), seraient-ils mis directement sur le terrain pour leur année de « stage », sans formation ? Etc.

La question du financement des études est toujours au point mort : la proposition la plus conséquente reste la priorité dans l’accès à des emplois d’assistant d’éducation pour 9 000 étudiants. Le ministère croit-il toujours qu’ils pourront se consacrer pleinement à leur mission dans les établissements scolaires et à leur formation ?

Enfin, si les universitaires des UFR et des IUFM participaient à ce processus, ils seraient conduits à se jeter dans une concurrence perverse, qu’ils ont refusée jusqu’ici avec force.

Nous avons agi depuis des mois contre cette réforme. Nous apprécions nos premiers succès, mais nous ne nous laisserons pas étourdir par le chant des sirènes : ce recul ne peut pas nous suffire !

Nous obtiendrons le retrait de la réforme et la convocation d’États Généraux !

!