Après que soit un peu retombée l’immense vague d’émotion et d’indignation qui a soulevé le pays il y a près de deux semaines, les regards se tournent maintenant tout particulièrement vers l’Éducation nationale qui est interpellée sur son rôle dans la prévention de tels drames apparemment liés au fondamentalisme.
Il est certes réconfortant de voir la nation redécouvrir l’importance de l’École tant il est vrai qu’elle a besoin de reconnaissance, de soutien, de confiance et, bien entendu des moyens nécessaires pour remplir ces missions.
Il est certes réconfortant de voir remises sur le devant de la scène les valeurs de la République, de liberté, et particulièrement celle d’expression, d’égalité, de fraternité et de laïcité.
Il ne faudrait cependant pas que, ce faisant, s’insinue l’idée que l’École a failli en renonçant à ses principes. Les enseignants n’ont jamais cessé de travailler avec leurs élèves pour développer l’esprit critique, l’esprit de tolérance, expliciter le sens de la laïcité, amener au vivre ensemble.
Face aux terribles meurtres qui viennent d’être commis, la charge émotionnelle est évidemment très forte, tant du point de vue des enseignant-es que des élèves. Il faut trouver les mots justes, dépasser les situations de blocages pour amener les élèves à s’interroger et à comprendre. Les enseignant-es font de leur mieux, dans ce contexte difficile, au pied levé, sans avoir toujours pu bénéficier de la formation initiale ou continue indispensable.
Il n’est donc pas acceptable qu’ ils soient sanctionnés par l’administration, celle-là même qui encourage ses bons petits soldats à « monter au front ». Nous apportons donc tout notre soutien à notre collège de Mulhouse qui a été suspendu pour quatre mois par le Recteur de l’Académie de Strasbourg au terme d’une procédure expéditive. Il est vrai que, chose aberrante, il avait utilisé des caricatures pour expliquer à ses élèves l’actualité et l’importance de la liberté d’expression. Totalement hors les clous ! Nous sommes tous Charlie… mais jusqu’à un certain point !
Dans un tel contexte, la FSU tient à rappeler la multiplicité des réponses à apporter à ces événements tragiques. Les valeurs républicaines, de liberté, de fraternité, laïcité sont au cœur de tous les débats. Si l’on veut que l’ensemble de la société française y adhère, il convient de ne pas omettre un autre de ces grands principes, celui qui donnera corps à tous les autres : l’égalité.
La montée en puissance d’un radicalisme qui se cache derrière quelques bribes d’idéologies religieuses mal comprises s’explique aussi par un contexte d’immenses injustices sociales, de chômage massif, de promesses d’intégration non tenues et de développement du racisme ordinaire.
Il est urgent de prendre sérieusement en compte toutes ces questions plutôt que de s’engouffrer dans des dispositifs sécuritaires et répressifs. Depuis deux semaines une centaine de personnes ont été placées en garde à vue pour apologie du terrorisme, après avoir proféré des menaces, manifesté une connivence avec les frères Kouachi, réalisé quelques tags. Si nous pouvons imaginer le bien fondé de certaines arrestations, est-il indispensable d’interpeller des mineur-es, des collégiens, d’y inscrire pour leur vie entière la mention « terroriste » dans leur casier judiciaire sous prétexte qu’ils ont refusé la minute de silence ? L’un des points communs entre les frères Kouachi, Amédy Coulibaly ou Mohammed Mérah était d’être passé par la prison… Va-t-on persister dans la même logique inefficace et mortifère ?
Alors oui l’école peut et doit jouer tout son rôle dans l’important travail à mener pour retisser du lien, assurer une réelle cohésion sociale autour des valeurs de notre société.
Elle le peut dans une société qui assure l’égalité de toutes et tous dans l’accès à des services publics de qualité, dans l’accès à l’emploi… Tels sont les enjeux pour demain.