Le tribunal des conflits (cour de cassation – Conseil d’Etat) en renvoyant devant les prud’hommes et non le tribunal administratif les manquements de l’employeur au respect de ses obligations a ouvert une brèche que chacun-e- doit saisir.
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Vous avez dû suivre dans la presse le jugement des prud’hommes d’Angers concernant des personnes employées actuellement sous Contrat Unique d’Insertion /Contrat d’Avenir ou ayant été employées sous Contrat d’Avenir (26h hebdomadaire). D’autres jugements, à Nevers ou Amiens, vont dans le même sens.
C’est une reconnaissance importante du droit à la formation, droit inscrit dans le code du travail et une condamnation du non respect par l’Etat des lois… qu’il a fait voter. C’est aussi un moyen de porter un coup à la généralisation des "emplois kleenex" dont l’Etat est friand.
La base juridique part d’un jugement de la cour de cassation de 2004 qui, pour sanctionner un employeur n’ayant pas rempli ses obligations reclassifie un CDD en CDI. Le reclassement étant la compensation du préjudice subi. C’est une sanction car pour mettre fin à un CDI, l’employeur est tenu de respecter un certain nombre de procédures. En vertu de quoi, le lycée employeur est condamné à verser des indemnités aux personnes qui ne sont plus sous contrat :
- pour absence de préavis avant le licenciement
- pour licenciement abusif
- pour le licenciement
- et pour l’absence de formation
Le lycée est aussi condamné à payer des frais de justice important. Au total cela représente 14 000 € par personne.
Pour les personnes actuellement sous contrat, leur CDD est requalifié en CDI et elles ont obtenu une indemnité pour non respect des obligations de formation.
Suite à une réunion de travail, à Angers avec l’avocat qui a porté le dossier, nous proposons aux personnes qui ont été employées (ou actuellement encore) sous contrat d’avenir ou aux personnes recrutées sous CUI après le 1/01/2010 de déposer un recours identique aux prud’hommes de la Sarthe.
L’avocat d’Angers est prêt à suivre, avec la FSU et le SNUipp, les dossiers des personnes qui en sont d’accord. Ses conditions sont 100€HT d’honoraires plus 10% des indemnités en cas de gain. (Mais évidemment si le lycée est condamné à payer des frais de justice, ces frais sont déduits des 10%). "L’investissement" est donc au départ et au maximum de 100€HT. Vous pouvez éventuellement bénéficier de la responsabilité juridique de votre assurance responsabilité civile (à vérifier) ou de l’aide juridictionnelle (sous conditiuons de ressources).
Si un nombre significatif de personnes est intéressé, l’avocat se déplacera au Mans. Comme il faut aller vite, nous avons retenu la date du mardi 17 mai à 17h30 à la maison des associations.
Nous vous demandons donc de nous répondre -vite, très vite- pour dire si vous serez présent-e- et intéressé-e- pour déposer un dossier.
Dans ce cas, il faudra préparer le dossier avec
- une feuille récapitulative comportant votre état civil (Nom, prénom, adresse, téléphone) et
- copie du dossier d’embauche (contrat et convention signée)
- copie des 6 derniers bulletins de salaire
- éventuellement copie de la reconnaissance MDPH (cotorep)
- Prévoir aussi une lettre manuscrite très simple par laquelle vous acceptez de confier "la défense de mes intérêts" à Me Bougnoux, avocat au barreau d’Angers.
En espérant que vous serez nombreux-ses le mardi 17 mai (Il nous reste encore et toujours des combats à mener ensemble !).
Pour nous contacter :
fsu72@fsu.fr
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Un article paru dans le journal du net Médiapart
Contrats aidés dans l’éducation nationale: une bombe pour l’Etat ?
04 Mai 2011 Par La rédaction de Mediapart
Par Jacques-Olivier Teyssier.
Les condamnations de l’Éducation nationale par les prud’hommes se multiplient depuis quelques mois. Des employés de vie scolaire en contrat aidé attaquent leur employeur ? l’État ? pour non-respect de ses obligations de formation. Et gagnent: à Amiens, Angers, Digne-les-Bains, Libourne, Montluçon, Nevers, Orléans…
Le contrat aidé permet à l’employeur de bénéficier d’aides conséquentes en échange d’un accompagnement visant à favoriser l’insertion professionnelle de personnes supposées éloignées de l’emploi. Moins de 300 euros par mois, c’est ce que peut coûter à l’employeur une personne en contrat aidé pour 26h hebdomadaires. Celle-ci est payée au Smic et la différence ? salaire, cotisations sociales ? est prise en charge par l’État.
Mais certains employeurs empochent les aides et oublient parfois l’accompagnement. Ce qui peut être dénoncé devant les prud’hommes. Le raisonnement juridique est simple et il se retrouve dans de nombreux jugements, dont une décision de la Cour de cassation de novembre 2004 : l’employeur peut recourir à un CDD dans le cadre d’un contrat aidé car il est accompagné d’une obligation de formation. Si cette obligation n’est pas suffisamment remplie, ce type de CDD n’est plus justifiable et il convient de le requalifier en CDI. Si la personne n’est plus en poste, les juges considèrent qu’elle a donc été licenciée et elle a droit à des indemnités notamment pour licenciement «sans cause réelle et sérieuse». Traduction sociale de Jean-Claude Faivre du SNUDI-FO des Alpes-de-Haute-Provence : «L’éducation nationale exploite ces gens-là et ne leur crée pas d’avenir du tout.»
Une décision des prud’hommes d’Angers, le 14 avril, vient à nouveau illustrer cette jurisprudence. Saisi par 24 anciens salariés, le conseil a condamné l’Éducation nationale à verser à chacun d’entre eux environ 14.000 euros à titre de dommages et intérêts et indemnités diverses (voir extraits du jugement ci-dessous pour le détail). Le 5 avril, c’est le bureau de départage de Nevers qui octroyait près de 10.000 euros à cinq personnes. Deux jours plus tard, les prud’hommes de Digne-les-Bains attribuaient environ 12.000 euros à sept personnes, signale Jean-Claude Faivre. Au-delà de ces décisions de premières instances et celles des villes déjà citées, il existe aussi la décision de la cour d’appel d’Amiens de septembre 2010 (13.200 euros).
Si la condamnation de l’Éducation nationale pour défaut de formation peut faire sourire, ces décisions pourraient aussi finir par devenir embarrassantes pour l’État. Le ministère n’a pas communiqué à Mediapart le nombre total de personnes qu’il emploie en contrats aidés ni les procédures juridiques en cours ou passées, mais la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) annonce 54.000 CUI-CAE (historique et définition des contrats aidés dans l’onglet Prolonger) à fin 2010 dans les établissements publics d’enseignement. Si on y ajoute le nombre de personnes embauchées depuis cinq ans en contrats aidés ? durée pendant laquelle les recours juridiques sont toujours possibles ?, on dépasse sans doute largement les 100.000 salariés employés par l’Éducation nationale pendant cette période.
Heureusement pour l’État, les actions de groupe («class action» en anglais) n’existent pas encore en France. Cela dit, les jugements favorables aux pionniers donnent des idées à d’autres. Ainsi en Gironde, après l’action victorieuse en première instance de trois personnes à Libourne, Éric Martel du SNUDI-FO affirme qu’une procédure d’une vingtaine d’autres personnes est en cours à Bordeaux. À Montpellier, ce sont une quarantaine de dossiers qui ont été déposés en deux vagues depuis le début de l’année. Et avec la médiatisation locale, d’autres personnes pourraient suivre après l’organisation de réunions par le collectif des précaires de l’Hérault.
Effet boule de neige
Elisabeth Boussion du collectif du Maine-et-Loire annonce : «Une deuxième réunion d’information avec Me Bougnoux, notre avocat, aura lieu le 6 mai. J’ai déjà encouragé une vingtaine de personnes à préparer leur dossier d’aide juridictionnelle et tous les documents nécessaires.» Et la militante de préciser: «Les départements limitrophes nous appellent pour faire la même chose mais aussi d’autres départements: la Sarthe, la Loire-Atlantique, le Tarn.» Muriel Michelin, de l’Union nationale des EVS (UNCEVS), confirme : «Ça va accélérer. Parce que les gens sont en colère. On arrive au troisième trimestre et on commence à avoir des mails par paquet de 10. Les gens en ont marre des promesses sans acte. Que ce soit au niveau de la formation ou de la reconnaissance.» La peur d’attaquer son employeur, surtout quand il s’agit de l’État, serait-elle en train de reculer?
En tout cas, ce dernier n’a pas attendu un éventuel effet boule de neige pour réagir. Sur le terrain juridique tout d’abord. À Angers, le préfet a contesté la compétence du conseil des prud’hommes au profit du tribunal administratif. Fait rare ? huit affaires de ce type jugées en 2005, 33 en 2006 ?, le tribunal des conflits a été saisi. Il a donné tort au préfet mais le jugement sur le fond a été retardé de plusieurs mois. La procédure a donné lieu a une scène étonnante lors de la première audience des prud’hommes où les participants ont vu débarquer le procureur. «C’est du jamais vu, commente Me Jean-Pierre Bougnoux. Le jour où ça s’est fait, il y a avait du monde à l’audience pour voir ça.»
À Bordeaux, une décision de la cour d’appel est également attendue dans les prochains jours pour une question de forme concernant la vingtaine de dossiers déposés, rapporte Éric Martel. À Digne-les-Bains, c’est une question prioritaire de constitutionnalité que l’employeur a tenté de soulever. «Cela a relancé une audience supplémentaire, souligne Jean-Claude Faivre de Force ouvrière. De plus, l’avocat du lycée employeur a laissé entendre qu’il irait en appel et peut-être même plus loin si c’était nécessaire.» Cela ne serait en effet pas surprenant car l’Education nationale fait quasi systématiquement appel dans ce type de dossiers. Le ministère n’a pas donné suite à nos sollicitations.
Autre réaction de l’État: sur le fond du dossier, c’est-à-dire sur un meilleur accompagnement associé à une vraie formation. L’avenir, et sans doute les prud’hommes, diront si la situation s’est améliorée mais plusieurs syndicalistes ou EVS contactés ne semblent pas convaincus. A l’image de Jean-Claude Faivre: «Il n’y a pas de changement vraiment obtenu si ce n’est maintenant que les EVS ont accès au plan académique de formation, comme les autres personnels, mais sur une formation vraiment indigente. C’est vraiment se ficher du monde, c’est pour essayer de couper court à tout recours plus tard auprès des tribunaux.»
Denis Walecks, en charge de la formation au rectorat de Montpellier, voit les choses différemment : «Ma difficulté, c?est de faire comprendre à ces contrats précaires qu?ils ont droit à la formation. Mais c?est à eux de concrétiser le droit. L?offre de formation, elle y est.» Même attitude du ministère dans sa réponse de janvier 2011 à la question écrite du député PS Jean-Jacques Urvoas visant à attirer l’attention du ministre sur la motion-pétition de l’UNCEVS «pour une égalité de traitement et des chances des personnels précaires de l’Éducation nationale et une justice sociale pour tous». Il faut noter que le ministre répond uniquement sur la question de la formation alors que la motion est bien plus large. Signe que ce problème de la formation préoccupe ?
Mobilisation difficile
Cela n’a peut-être pas toujours été le cas. Il suffit de se plonger dans des rapports de la Dares publiés en 2009 et 2010 pour voir que le problème est connu de l’État depuis plusieurs années. Ainsi, dans son rapport évaluant l’insertion profe
ssionnelle des salariés en contrats aidés, la direction écrivait que seulement «36% des salariés en CAV et 35% de ceux en CAE sortis en 2007 déclarent avoir suivi au moins une formation au cours de leur contrat» (voir la page 6). Ce bilan général peu brillant est complété page suivante : «La probabilité d?avoir suivi une formation est nettement plus faible pour les emplois de l?Éducation nationale que dans les associations.» Dans le rapport de l’année d’après : «La probabilité de bénéficier d?un accompagnement en interne (…) est plus faible pour les emplois aidés dans l?Éducation nationale.» Faut-il dès lors s’étonner que la Dares écrive que «les anciens salariés en CAE et en CAV (sortis en 2007) ont moins de chances que les autres d?être en emploi s?ils ont été employés par l?Éducation nationale»? Soulignons que celle-ci emploie environ 20% des contrats aidés du secteur non-marchand.
Un sujet d’ampleur nationale qui devrait préoccuper les confédérations syndicales. Pourtant, au-delà des initiatives locales, celles-ci semblent agir en ordre dispersé voire parfois oublier les précaires de l’éducation nationale, écartés par exemple de «l’accord sur les contractuels dans la fonction publique» signé le 31 mars par six organisations syndicales dont FO, la CGT et la CFDT. La FSU, qui n’a pas signé cet accord, a contesté cette «exclusion» du champ des discussions. Pour autant, son action locale semble à géométrie variable. Le Snuipp, principal syndicat dans les écoles, est, par exemple, très présent dans le soutien au collectif du Maine-et-Loire avec la CGT et Sud. Il n’est pas, en revanche, au côté de la CNT, Solidaires et Sud pour soutenir le collectif héraultais sur le terrain juridique.
La saisine des prud’hommes est aussi présentée par plusieurs EVS ou syndicalistes comme un échec des formes de mobilisations classiques (grèves, manifestations, etc.) visant à demander une pérennisation de ces emplois dont beaucoup sont indispensables au bon fonctionnement des établissements et à la prise en charge des enfants. Difficiles à contacter par les syndicats, les EVS sont aussi difficiles à mobiliser du fait même de la précarité de leur situation. Ils sont aussi peu soutenus ? du moins en acte? par leurs collègues titulaires. Pour Elisabeth Boussion, EVS et déléguée syndicale dans le Maine-et-Loire, «ce qui donne l’impulsion la plus forte c’est l’organisation par le Snuipp de demi-journées d’information syndicale. Comme c’est sur le temps de travail, il y a quand même beaucoup de monde qui vient.» Et demain beaucoup passeront à l’attaque ?