CDEN. Naufrage de l’autorité académique
Tel un capitaine de bateau qui ne veut pas voir la tempête, la DASEN est restée droite dans ses bottes, justifiant ses comptes de fermeture de 44 classes, affirmant que le « contexte est favorable ». En face d’elle, dans une succession d’interventions très dures contre cette carte scolaire, le représentant du président du Conseil Départemental, le représentant des maire (Association des Maires de France et Association des Maires Ruraux de France compris), les représentants des parents, les représentants syndicaux et en tête la FSU qui a fait 95% des interventions de défense technique des écoles, ont tenté en vain de faire entendre que la tempête devait, devrait, imposer une autre approche.
Réaction des élus :
Extrait court d’un texte long lu par Monsieur Valienne, au nom de l’AMF 72 et du président de Conseil Départemental : “Il est incompréhensible (…) que vous ne teniez pas compte de leur opposition (aux élus et ensemble des acteurs et actrices de la communauté éducative) à ce projet délétère »… « Nous tenons à vous informer dès lors de notre ferme et résolue opposition à cette carte scolaire…”. La charge fut d’autant plus lourde que de façon habituelle le Conseil Départemental est un soutien objectif de la Direction Académique.
Extrait du propos de Dominique Amiard au nom de l’AMF et de l’AMRF. Réaffirmant son soutien au texte lu par Mr Valienne, il a souligné la non prise en compte de l’expertise des maires : « des chiffres étayés par les élus n’ont pas été repris »… » les corrections demandées n’ont pas été prises en compte, malgré la bonne connaissance de terrain des élus ». Il est aussi revenu sur le refus de la DASEN de recevoir le maire d’Allonnes avant le CTSD : « le fait que notre collègue d’Allonnes n’ait pas pu être reçu (…) a renforcé l’incompréhension.(…). Cinq minutes, dix, un quart d’heure dans l’emploi du temps de Mme Galéazzi auraient permis, sinon d’aplanir les difficultés, (…) au moins d’aller vers un peu plus de compréhension et moins de crispation ». Il en a appelé à « des éléments de souplesse et de discussion ». Il a ensuite expliqué que le moratoire sur les fermetures appliqué en 2020 aurait dû être prolongé. « Il aurait été judicieux, pour ne pas dire indispensable, que dans nos SIVOS on puisse souffler un peu et ne pas voir tomber des fermetures ». Il a souligné la dimension de la tempête : « les élus locaux ont été obligés d’aller au charbon pour mettre en place des protocoles, engager des dépenses imprévues. Nous sommes dans un contexte de pandémie (…). On en a encore pour de nombreux mois et l’année 2021 va être jalonnée de problèmes sanitaires. (…) C’est un contexte très compliqué pour les élus, les familles, les enseignants. Il a énoncé ensuite le mouvement qu’on voit augmenter d’un retour à la campagne, et la nécessité de ne pas hypothéquer ce mouvement en défaisant les services de proximité. Il a conclu par : « Même si j’essaie d’avoir un ton apaisé ce soir, les collègues au téléphone témoignent d’une vraie colère ».
La DASEN a imperturbablement soutenu la supériorité de son expertise et la justesse de ses mesures, jugeant que : « en tant que maires ils déplorent qu’une classe ferme dans leur commune, mais nous faisons avec les moyens qui nous sont attribués ».
Propos introductif de la FSU
La FSU a fixé une méthode de travail par focus, qui a ensuite structuré les échanges. Elle a rappelé que deux votes “contre”, unanimes, successifs aux deux CTSD, est un fait rare et signifiant, soulignant la nature exceptionnelle de ce qui se joue aujourd’hui. Elle a rappelé la désorganisation que produit l’abandon de tout seuil et demandé une clarté de gestion. « Dans le contexte pandémique que nous connaissons, la baisse démographique devrait être l’occasion de baisser les effectifs partout. Au contraire de cela, cette carte scolaire joue sur des transferts de postes, alloue des budgets d’une profonde faiblesse comme si rien n’était arrivé. Les mesures de distanciation physique et les gestes barrière sont d’autant plus faciles à appliquer que les effectifs sont réduits, que les structures sont disséminées ». Un rappel concret, prosaïque, a été fait sur le lien entre sanitaire et pédagogique, en développant sur un simple exemple comment l’équipement des locaux conditionne le temps de lavage des main et donc le temps de classe. Comment aussi, « en cas de contagion, un effectif réduit implique un nombre plus faible de cas contact, donc moins d’absences scolaires ». Comment enfin « les petites écoles sont une chance face au virus ». La FSU est revenue sur le symbole terrible que constitue la fermeture d’une classe maternelle dans des lieux sinistrés économiquement, socialement et industriellement, dans des écoles en contact direct avec la détresse sociale, comme par exemple à Bessé sur Braye, où encore à Allonnes et dans les quartiers REP et REP+. La FSU a dénoncé le projet non avoué mais réel de détruire l’éducation prioritaire par encore les nouvelles formes de contractualisation que sont des Contrats Locaux d’Aménagement, annoncés officiellement au cours même du CDEN. La FSU s’est associée à l’émoi des maires à propos du refus de recevoir le maire d’Allonnes la matin même. Nous avons demandé : « Quelle que soit votre décision, est-il juste d’ignorer à ce point l’esprit de dialogue? ». La FSU a réaffirmé son refus de la mise en concurrence des territoires et sa détermination pour une reconnaissance et une satisfaction des besoins spécifiques, tant sur le champ pédagogique que sanitaire. Elle a dénoncé une carte scolaire qui continue de ronger l’école, qui vient s’ajouter à la saturation déjà là des services psycho-médicaux, des services judiciaires. « Une classe qui ferme c’est une diminution du service public. Une de plus dans ces nombreuses années qui viennent de passer et qui ont vu le désarmement de l’hôpital, le retrait des perceptions, des bureaux de poste… ». La FSU a caractérisé cette crise comme consécutive à ce que les scientifiques appellent une syndémie : « Certes il y a un virus, aux caractéristiques terribles. Mais notre détresse vient en fait d’un croisement de pathologies médicales, mais aussi climatiques et sociales. En bref, une autre politique économique, climatique, aurait pu empêcher l’émergence de ce virus. Une autre politique d’aménagement social, de développement de la santé, de protection, de développement de la recherche, aurait pu juguler les conséquences de ce virus ». La FSU a insisté : « ce n’est vraiment pas le moment de prolonger un tel mouvement de diminution des services publics, sauf à accepter à court terme l’augmentation sans précédent des détresses, des inégalités, des malades mal ou non soignés, des décès COVID et d’une violence sociale déjà trop réelle et active, et dont on sait qu’elle va encore s’accroître ». La FSU a demandé un groupe de travail pour déterminer de nouveaux seuils d’ouverture et de fermeture de classes, intégrant la situation sanitaire et permettant des projections vers une sortie de crise. « Si le gouvernement a été capable de sortir 100 milliards d’euros dans un plan d’urgence, qu’il doit pouvoir consacrer 1% de ces 100 milliards à cet objectif d’un “coûte que coûte” pour l’Éducation Nationale, de la maternelle à l’Université. Au passage la FSU a témoigné son soutien à la demande de démission de la ministre Frédérique Vidal, ministre qui a tenté d’initier une chasse aux sorcières indigne en utilisant le concept fumeux, hérité de l’extrême droite, d’islamo gauchisme. La FSU a conclu ce propos introductif par un appel, adressé à toutes et tous les participant-e-s institutionnels, hiérarchie comprise, à honorer notre statut de fonctionnaire citoyen, gravé depuis 1946 dans la loi, en faisant remonter notre désaccord avec les décisions nationales à l’origine de cette carte scolaire.
Les 9 focus portés par la FSU
L’équipe de la FSU a ensuite abordé la défense des écoles par 9 focus qu’elle s’est répartis :
-
Elle a souligné dans un premier focus l’impact des fermetures sur les décharges de direction pour toutes les écoles de 4 classes passant à 3, ou de 2 passant à 1 classe, dans un contexte préalable de décharge insuffisante et de surcharge administrative endémique. La directrice académique a souligné l’augmentation des décharges éffectuées.
-
Dans un deuxième focus la FSU a expliqué les découragements induits par les fermetures de classes, les mutations consécutives, la déstabilisation des équipes, et a développé sur les difficultés du quotidien qui sont engendrées en prenant appui sur les exemples remontés des écoles. Le cas des RPI a été développé, les 7 fermetures qui les touchent, qui perturbent des organisations actuelles limitant les temps de transport pour les enfants les plus jeunes, et qui touchent l’existence même des communes.
-
Un troisième focus a souligné l’effet délétère des fermetures dans les contextes de concurrence avec le privé, développant le cas des écoles concernées.
-
Un quatrième focus a traité du point récurrent des écarts de prévision, déjà dénoncés par les maires, entre les effectifs des écoles et ceux retenus par la DSDEN. Les exemples école par école ont été développés. La FSU a établi de façon comptable (elle sait le faire), que la DSDEN communique sur un effectif prévisionnel départemental de 45030 élèves (682 élèves de moins que le constat de 45712 fait rentrée 2020) quand la somme faite à partir des documents de travail donne un prévisionnel de 44140. Nous prouvons par là que le prévisionnel réel n’est pas 682 élèves en moins mais 1572. Nous avons questionné sur ce point, qui pourrait expliquer des différences, et demandé la méthode de calcul utilisée que nous ignorons, pour établir les chiffres « DSDEN ». La Directrice Académique ne nous a pas donné les éléments demandés et a préféré mettre en doute nos intentions « Je vois bien dans quel esprit vous intervenez ».
-
Un cinquième focus a traité des ULIS, et des 7 écoles qui subissent des ferme
tures alors qu’elles accueillent un dispositif ULIS. La FSU a questionné sur l’absence manifeste » d’attention particulière » pourtant imposée par voie de circulaire. Et a revendiqué une fois de plus que les élèves d’ULIS, encore plus depuis qu’ils sont reconnus élèves à part entière de leur classe de référence, devraient être comptés dans les effectifs. La Directrice a répondu « les moyens pour les élèves d’ULIS ne nous sont pas attribués et l’Inspecteur Académique adjoint a précisé que les fermetures n’étaient pas contradictoires avec un acceuil « dans de bonnes conditions » des dispositifs ULIS. -
Un sixième focus a porté sur les contractualisations en cours, celle apparaissant sur les documents de carte scolaire, mais aussi celles dont nous avons connaissance par remontée du terrain. Notre demande d’information est bien sûr restée sans réponse, l’administration se réfugiant derrière des négociations pour lesquelles elle prétend ne pas être « pro-active », juste en réponse aux questions de maires voulant construire des projets autour de leur école. Elle a exprimé avoir maintenu le poste sans contre partie sur l’école impliquée officiellement dans une convention. La FSU a dénoncé comment la contractualisation, qu’il s’agisse de conventions ruralité ou de Contrat Locaux d’Aménagement dans les quartiers urbains proches de l’éducation prioritaire, introduisait inégalités et concurrences entre écoles.
-
Un septième focus a montré comment le remplacement, déjà insuffisant dans le contexte, s’est vu amputé de 5 postes par rapport à la première mouture de la carte scolaire. La FSU a déploré le recrutement de remplaçant-e-s contractuel-le-s qui arrivent d’ailleurs en fin de contrat, et a insisté sur les désorganisations conséquentes à ce manque, préjudiciables tant du point de vue pédagogique que sanitaire.
-
Le huitième focus a décrit la grande insuffisance des mesures de carte scolaire concernant les RASED, malgré l’ajout de deux demi postes. La Dasen a concédé « je ne peux pas aller contre cette idée », mais a conclu par son devoir de respecter les priorités nationales.
-
Le dernier focus, le neuvième, a analysé les répercutions de la carte scolaire sur l’Education Prioritaire. Au travers d’exemples la FSU soutient que la politique de dédoublement est très largement sous financée et qu’elle engendre des restrictions considérables.
Vers la fin du CDEN
La FSU a rappelé sa revendication d’un plan d’urgence pour l’école qui nécessite au moins 90 000 postes pour l’ensemble des territoires et 534 postes pour la Sarthe.
Au cours de ce CDEN la Directrice Académique, dans une tentative d’auto-justification, a eu le propos suivant : « j’ai beau être fonctionnaire, je travaille beaucoup ». La FSU, en fin de CDEN, a jugé utile de revenir de la façon suivante sur cette phrase : « Nous espérons qu’il s’agissait d’un lapsus lorsque Madame la Directrice Académique a exprimé cette phrase. En tant que représentant départemental de l’organisation représentative majoritaire dans l’Education Nationale, en tant que représentant d’une fédération de la Fonction Publique, ce propos sonne comme une offense. Il contient un implicite insupportable à propos des professions que la FSU représente. Il reprend sans distance des préjugés sur la fonction publique. Nous le rappelons, les professionnels fonctionnaires ne sont pas simplement fatigués. Les services administratifs, comme l’encadrement, comme les acteurs et actrices éducatifs sont épuisé-e-s par une gestion déplorable ministérielle. Nous espérons enfoncer une porte ouverte en disant qu’il n’y a pas de contradiction entre être focntionnaire et « avoir beaucoup de travail ».
La FSU a conclu à chaud le CDEN par cette intervention : « nous constatons un décalage majeur entre d’un côté les maires, les organisations syndicales, les parents et de l’autre la Directrice Académique. D’un côté un signal très fort demandant la prise en compte de l’exceptionnalité de la situation. De l’autre une gestion comptable, prisonnière de mesures nationales, qui prétend à l’objectivité sans toutefois apporter clairement et explicitement les règles de calcul qui produisent cette carte scolaire problématique ».
Le vote, à deux abstentions près d’un représentant de la FCPE et d’un représentant de l’UNSA, a été unanime contre cette carte scolaire.
Pour conclusion et analyse
Il ne s’agit donc pas d’une validation de carte scolaire mais bel et bien d’une imposition de carte scolaire. Les conséquences vont hélas s’appliquer dramatiquement dans les écoles, mais pour la FSU le combat commence et se prolongera jusqu’à juin, et au delà jusqu’à la rentrée 2021. Le ministre, tout en rendant 200 millions de notre ministère à l’état, a imposé cette gestion comptable dans les départements. Il doit entendre le désaveu général de la carte scolaire actuelle et la gravité de ses décisions. La FSU 72 demande plus que jamais sa démission.