Déclaration FSU-FCPE-Ligue de l’Enseignement au CDEN du 20 février 2014
Les organisations et associations signataires de la présente déclaration souhaitent réagir vivement à l’annonce de la dotation entérinée lors du CTA du 21 janvier. L’octroi d’un seul poste dans le premier degré à la rentrée 2014 est en effet en totale contradiction avec les discours ministériels sur la refondation de l’école. L’argument selon lequel une baisse démographique serait attendue à hauteur de 126 élèves, ce qui justifierait cette dotation, ne tient pas et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, il faut rappeler que malgré le fait que 30 postes aient été ré-introduits l’an dernier, le département a perdu 39 postes depuis 2011, pour un nombre d’élèves qui sera en 2014 quasiment équivalent à ce qu’il était en 2011(soit 27 d’écart sur 50 000, à supposer que les prévisions de baisse d’effectifs soient justes). Au quotidien, cela se traduit par des effectifs par classe chargés, une situation désastreuse au niveau du remplacement et des RASED qui ne sont plus en mesure d’assurer correctement leurs missions de prévention et de remédiation, dans une école qui en a de plus en plus besoin. Chaque jour, et régulièrement désormais pendant une semaine et plus, les écoles doivent gérer la pénurie au détriment des élèves et du fonctionnement des classes. Cette situation est dûe en partie à l’affectation d’une part importante de la brigade de remplacement sur des postes restés vacants. Comment la dotation annoncée permettra-t-elle de reconstituer cette brigade ?
De même alors que les priorités nationales concernent également l‘extension des dispositifs« Plus de maîtres que de classes » et « scolarisation des enfants de moins de 3 ans », nous ne voyons pas comment cette dotation sera à même de la mettre en oeuvre. Devons-nous nous attendre à des fermetures massives de classes ? Nous tenons à ce propos à dénoncer vivement la mesure ministérielle de report des mesures de carte scolaire après les élections municipales. Les communes concernées par des mesures de fermeture, ou des ouvertures refusées n’auront aucun délai pour présenter leurs contre-arguments. Cette manœuvre politique a pour unique but de ne pas perturber la campagne électorale en annonçant des mesures qui pourraient fâcher. Notre démocratie n’a rien à gagner dès lors qu’elle se dérobe à la controverse.
La suppression de postes d’enseignant-es spécialisé-es, le refus d’anticiper les départs en retraite par l’envoi de personnels en formation a conduit à ce que les réseaux d’aide soient privés dans bon nombre de secteurs des moyens nécessaires à leur fonctionnement. On sait pourtant que ce sont les élèves les plus en difficultés qui pâtissent majoritairement de cette carence. Là encore, nous ne voyons pas comment vous allez inverser la tendance en reconstituant les postes fermés, et en permettant le départ en formation de nouveaux personnels. Vous avez Monsieur le Directeur académique pourtant convenu à plusieurs reprises que le dispositif ME-PE n’était pas efficient.
Dans le second degré on a annoncé la création de 21 ETP, 19 en collège et 2 en lycée. En fait ces 21 ETP sont constitués de 12 ETP en heures poste et de 9 ETP en heures supplémentaires. Autrement dit sur ces 21 postes seulement 12 correspondent à des emplois nouveaux potentiels. Le reste n’est finalement qu’une charge de travail supplémentaire pour les collègues déjà en postes. De plus, 323 élèves supplémentaires étant prévus, ces créations compensent à peine la hausse démographique. C’est ce que montre très bien le ratio du nombre d’heures de cours rapporté au nombre d’élèves, le H/E. Ce ratio était de 1,22 en janvier dernier, il est aujourd’hui de 1,21. Autrement dit, en dépit de cette dotation supplémentaire, l’encadrement des élèves n’aura pas été amélioré par rapport à l’an passé. En regard des taux d’encadrement qui existaient avant la grande saignée de 80 000 postes opérée sous l’ère de M. Sarkozy, les besoins restent immenses. C’est pourquoi les signataires de cette déclaration estiment indispensable qu’un collectif budgétaire soit mis en place, qui permette de répondre aux besoins des écoles et établissements, et soit en adéquation avec l’ambition affichée par le Ministère. Ils adresseront en ce sens un courrier sous forme de pétition aux député-es de notre département. Ils demandent également que ce CDEN se prononce en ce sens.
En ce qui concerne les collèges, leur entretien et leur équipement, domaine de la compétence du Conseil général, les signataires souhaitent que soient abordées les deux questions suivantes.
La première a trait à l’éventualité de recourir à des partenariats public-privé pour reconstruire quatre collèges du départements. Compte tenu des nombreuses dérives déjà constatées en pareil cas, cette perspective inquiète, que l’on se positionne en tant que citoyens, en tant que contribuables et d’abord en tant que membre d’une communauté éducative appelée à utiliser ces futurs locaux. Le surcoût de cette solution par rapport à un investissement direct de la collectivité territoriale est d’ores et déjà assuré ; et pour elle, les risques de perte de contrôle en matière de maintenance et d’entretien sont grands. Une commission a été nommée pour étudier la pertinence d’un PPP. Mais en dernier recours la décision reste politique. Les signataires de cette déclaration souhaitent faire connaître leur réticence sur cette question.
La deuxième demande concerne la maintenance du matériel informatique des collèges. Le Conseil général a fait un réel effort pour doter les établissements d’ordinateurs récents. Malheureusement ce matériel est souvent inutilisable faute d’un entretien et d’une mise à jour fréquente et régulière. Au sentiment de gâchis s’ajoute l’impossibilité de satisfaire certaines de nos des obligations liées à la mise en place de l’École du Numérique annoncée dans la loi d’orientation et la circulaire de rentrée. Il est donc demandé aux représentants du Conseil général de développer l’embryon de service de maintenance informatique pour l’instant doté de seulement 4 postes afin de satisfaire les besoins des 58 collèges publics sarthois.
Par ailleurs nous tenons à exprimer notre profonde inquiétude face aux attaques ciblées des mouvements réactionnaires et intégristes, contre l’école publique. Dans un contexte de crise économique et sociale qui fragilise les individus, leur propagande et leurs mensonges peuvent hélas séduire et convaincre. Pour preuve cette opération JRE (journée de retrait de l’école) qui a semé le trouble dans l’esprit de certains parents.
Les personnels ont besoin d’un soutien solide et concret des IEN, du DASEN, du ministre pour rétablir le dialogue et la confiance entre les familles et l’école. Il convient de rassurer sur les rumeurs qui circulent d’une part, de rappeler les missions de l’école d’autre part. Enseigner et transmettre certes mais également éduquer à certaines valeurs, comme par exemple, la démocratie ou la tolérance et bien sûr l’égalité. L’école laïque se doit, aux côtés des parents, d’aider les jeunes qui lui sont confiés à devenir des hommes et des femmes libres, en échappant aux discriminations et aux déterminismes.
Nous tenons à mettre en garde : un recul du gouvernement sur l’ABCD de l’égalité donnerait raison aux forces réactionnaires et à l’obscurantisme. Le retrait du livre récemment dénoncé par le président de l’UMP de la liste des ressources ABCD est à ce titre un très mauvais signal. Nous ne pouvons nous empêcher d’exprimer notre inquiétude lorsque nous constatons que depuis plusieurs mois déjà, le terme « genre » est banni des textes émanant du ministère, remplacé par l’expression « égalité fille-garçon ». S’il convient de rappeler que la théorie ou l’idéologie du genre n’existe pas et de fait n’est donc pas enseignée à l’école, le concept de genre a lui toute son utilité pour permettre d’appréhender, les stéréotypes et les constructions sociales « sexués » contre lesquelles l’école prétend lutter, au nom de l’égalité.
Un travail quotidien est nécessaire pour retisser les liens famille-école certes. Mais il convient également de s’interroger sur les raisons de l’adhésion de certaines parents face à ces rumeurs grossières. Lorsque l’éducation nationale ne joue plus son rôle d’ascenseur social, la défiance s’installe durablement. C’est bien l’école dans son ensemble qu’il faut refonder pour lui permettre de reprendre le cours d’une démocratisation, en panne depuis maintenant plusieurs décennies. Au-delà des intentions, souvent contredites par la tonalité des réformes et par leur mise en œuvre, ce sont des actes concrets que nous attendons maintenant.