Audience en préfecture du 20 janvier 2021
Une délégation de l’Intersyndicale éducation FSU, SUD, CGT, associée avec la FCPE, a été reçue par le préfet jeudi 20 janvier à 16h30, avant la mobilisation à 18h30 qui a eu, par son originalité et son humour, un écho médiatique utile.
https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/le-mans-72000/le-mans-tongs-et-chimeres-devant-la-prefecture-pour-moquer-blanquer-a-ibiza-0a12b75c-79db-11ec-a5c8-df22f6eb22a7
La Secrétaire générale de la DSDEN était présente aux côtés du préfet.
Pas d’avancées particulières par rapport à l’audience avec le DASEN de mardi (voir ci-dessous).
La délégation a demandé des précisions à propos des annonces gouvernementales, précisions qui ne sont pas là. Les seules attentes proposées sont l’acheminement de masques chirurgicaux au nombre de 5 millions nationalement, pour 12 millions d’élèves et 1 million de personnels, et qu’il faudra distribuer en instaurant des critères pour gérer la pénurie. Autre attente, celle d’AED supplémentaires, de quelques recrutements de contractuel-les. Rien de plus précis. Non réponse pour beaucoup de sujets, réponses non chiffrées et non datées pour d’autres.
La délégation a insisté sur l’équipement en capteurs CO2 des écoles et établissements scolaires, puisque le premier ministre a chargé les préfets de l’application de cette mesure. Le préfet nous a dit avoir échangé avec le président du Conseil Départemental très récemment, et être toujours confronté à un refus de sa part.
Une telle impuissance de l’état est plus que questionnante. La délégation a souhaité que l’état ne soit plus dans cette démarche chronophage et inefficiente de conviction d’élus locaux aux prises avec des choix économiques, avec des jeux politiques, mais dans le déploiement assumé par le ministère des appareils dans les écoles et établissements scolaires. Les millions rendus par le ministre à l’état ont été rappelés, sommes qui auraient permis une telle démarche. La pertinence de tels équipements ne fait plus débat. Les lieux où cela se pratique témoignent d’un intérêt éducatif, d’une visibilité et compréhension sanitaire pour la communauté éducative, d’économie de chauffage et de gain de confort.
La délégation a ensuite dressé l’état de l’école, avec les points de vue diversifiés des membres qui la composaient : enseignant-es des 1er et 2nd degrés, administratifs, AESH, université. Cet état des lieux c’est celui d’une école à l’arrêt. Non fermée, mais sortie de ses fonctions.Une institution en épuisement.
Une garderie au mieux apprenante, et une nurserie de virus.
Le préfet a insisté sur notre commune volonté de garder l’école ouverte. Nous avons confirmé que la FSU, par ses travaux sur l’inégalité scolaire, confirme, voire est à l’origine, du discours tenu pour légitimer le maintien ouvert de l’institution scolaire. Mais la délégation a relativisé cette communauté de pensée en dénonçant un propos devenu un mantra. Avec l’école telle qu’elle est aujourd’hui (10% de classes fermées, mais une grande majorité de classes vides, en effectif sous turn over permanent, en stress par les pénuries diverses qui persistent) les inégalités scolaires croissent très probablement de façon massive. En raisonnant par l’absurde, si un virus dangereux pour le monde enfantin devait exister, garderions nous l’école ouverte? La délégation a souligné qu’au delà du slogan, maintenir ouverte l’école doit faire l’objet d’une évaluation raisonnable et raisonnée, qui sache entendre tous les avis scientifiques. Aujourd’hui, le ministre de la santé laisse entendre que nous vivons peut être les derniers soubresauts du virus. Mais d’autres voies scientifiques très crédibles évoquent le risque, en laissant le virus ainsi circuler, d’émergence de nouveaux potentiellement plus graves. La délégation a rappelé que 500 cas grave de covid enfantin existent, sans compter ceux qui touchent les adultes, et les covid longs très handicapants. La délégation a exprimé son refus de ce qui pourrait s’apparenter à une stratégie « pourcentage de perte admise ». Elle a dénoncé une gestion imprudente.
Le préfet a exprimé que le gouvernement n’est pas sur le discours, ni la pratique, de laisser le virus circuler. La délégation a confirmé qu’aucun discours n’assume une telle position, mais que le message réel conduit à l’acceptation d’une fatalité : chacun-e s’attend à être malade un jour ou l’autre. Un effet de banalisation est en marche. Le préfet a concédé la réalité décrite et en a admis sa dangerosité sans en assumer l’origine.
La délégation, suite aux propos du préfet qui rappelait que ce virus « nous est tombé dessus », a véritablement appuyé sur la responsabilité politique du gouvernement et notoirement du ministre de l’Education Nationale dans la situation actuelle. Comment comprendre les retards accumulés qui perdurent, sur à peu près tous les champs de protection sanitaire. Retards sur l’équipement en masques, en test, en vaccins, en capteurs CO2, sur les recrutements supplémentaires. « Ce virus nous est tombé dessus » il y a maintenant deux ans, et les organisations syndicales ont depuis ces deux ans produit des argumentaires étayés scientifiquement, administrativement, ont sonné nombre d’alarmes, sans jamais avoir été entendues. L’argument de l’urgence n’est plus entendable.
La délégation a évoqué la carte scolaire qui s’annonce, avec une balance positive de 3 postes quand il en faudrait tellement plus, notamment en éducation prioritaire. Elle a dénoncé par ailleurs une saignée dans les postes du rural, puisque l’essentiel des fermetures touchent des écoles de ce secteur. Certaines fermetures font passer des écoles de deux classes à une. Le moratoire conquis de haute lutte par la démarche « pas de village sans école » est aujourd’hui remis en cause, et la délégation a exprimé qu’il était aberrant, dans le contexte éducatif, social, sanitaire de procéder ainsi.
Enfin, lorsque le préfet a exprimé que la situation n’était pas hors de contrôle, et que sans la politique menée les choses seraient pires, la délégation a réagi vivement : la réalité c’est qu' »on ne sait plus qui est malade ou pas ». La réalité c’est que des parents mettent à l’école des enfants malades sous pression de leur employeur qui leur impose de venir travailler. La réalité c’est que des adolescent-es (et peut-on en être surpris?) cherchent plutôt à être contaminés pour rester chez eux-elles. La réalité c’est que la contamination est à son comble. Certes, la France est un pays qui a une protection sanitaire importante, produit d’une histoire de luttes et de combats politiques. Mais ce gouvernement, avec une détermination exceptionnelle, et comme d’autres auparavant, détricote cette protection commune assumée par les services publics. Si les choses ne sont pas aussi catastrophiques qu’ailleurs, c’est que cet héritage qu’il liquide pourtant à grands pas existe encore, par l’action des premiers de cordée que sont les agent-es de la fonction publique.
La discussion est restée très courtoise, dans l’écoute mutuelle, mais sans concession.