C’est dans un climat social tendu que le gouvernement vient de présenter en Conseil des ministres le projet de loi de finances 2011, un projet marqué par la rigueur et l’injustice.

Après des mois de préparation dans le secret, c’est la baisse en volume des dépenses de l’Etat qui sera au programme annonçant des coupes violentes dans les dépenses sociales.

Sans s’attaquer à la question du partage des richesses, sans s’attaquer aux niches fiscales les plus coûteuses, à commencer par le bouclier fiscal, ce qui permettrait une véritable augmentation des recettes, le gouvernement poursuit sa logique de suppressions massives d’emplois et prévoit une baisse importante des dépenses de fonctionnement et de celles d’intervention de l’Etat. Il se garde bien dans le même temps de dire quelles sont les missions qui feront les frais de ces choix.

Un projet injuste socialement quand on sait que les dispositifs d’intervention regroupent toutes les grandes dépenses sociales financées par l’Etat, qu’il s’agisse de l’aide personnalisée au logement (APL), du Revenu de solidarité active (RSA) ou encore de l’aide aux adultes handicapés (AAH) et que les Services Publics continuent de jouer un rôle d’amortisseurs sociaux de la crise économique qui continue à sévir.

La politique de destruction d’emplois dans les services publics s’amplifie dans la quasi-totalité des ministères, en application du dogme du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite avec pour conséquence une dégradation des services rendus aux usagers, une désorganisation dans le pilotage et le suivi des missions effectuées par les différentes directions territoriales de l’Etat, une difficulté accrue à combattre les inégalités et pour les personnels la dégradation des conditions de travail et de formation et l’accroissement de la précarité.

Les 31.411 équivalents temps plein supprimés l’an prochain viendront s’ajouter aux quelques 100.000 déjà supprimés depuis 2007. Leurs conséquences en seront d’autant plus violentes.

Dans l’éducation, le ministre annonce notamment près de 9 000 suppressions dans le premier degré qui s’apprête pourtant à accueillir une nouvelle hausse du nombre d’élèves (19 400), et 5 000 suppressions dans le second degré quand les prévisions ministérielles prévoient 62 000 élèves en plus dans le second degré. Et c’est aussi la suppression de 600 emplois de personnels administratifs qui est prévue ! Le Ministre invite les recteurs à utiliser des « leviers d’action » ! Il s’agit en fait de l’augmentation du nombre d’élèves par classe, la diminution de la scolarisation des enfants de deux ans, des économies liées à la réforme du lycée rendant inévitable les dégradations dans les conditions d’accueil des élèves.

La baisse des crédits concernera plus de la moitié des missions de l’Etat, notamment Ecologie, relations avec les collectivités, Outre-Mer, Ville et Logement , Agriculture ou Solidarité et Insertion.

« Moins d’Etat, moins de services publics, moins de Fonction Publique »: c’est le socle de la politique gouvernementale qui s’illustre dans ce scandaleux projet de loi de finances.

La FSU conteste cette orientation et elle continuera à porter d’autres alternatives pour défendre les services publics pour plus d’égalité et de justice sociale.

En manifestant par millions ces dernières semaines, pour l’emploi, les salaires et contre la réforme des retraites, les salariés ont montré qu’ils rejetaient cette politique gouvernementale et qu’ils aspiraient à un autre partage des richesses produites. Ce projet de budget tourne le dos à ces revendications. La FSU appelle à les exprimer une nouvelle fois à l’occasion des mobilisations du 2 et du 12 octobre.

Communiqué FSU 28 septembre 2010

REVUE de PRESSE

Le budget Education : les premiers chiffres sur l’AFP

Economie-éducation-gouvernement-budget-social
Répartition des 16.000 suppressions de postes dans l’Education nationale


PARIS, 29 sept 2010 (AFP)

Le ministère de l’Education nationale a précisé
mercredi la répartition des 16.000 postes qui seront supprimés dans le cadre du budget 2011. En voici les détails:

– 8.967 postes d’enseignants seront supprimés dans les écoles primaires publiques (maternelles et élémentaires), dont 5.600 au titre d’une
"résorption" d’un actuel "surnombre" d’enseignants, selon le ministère.
– 4.800 postes d’enseignants de collèges et lycées publics.
– 600 postes au sein des personnels administratifs de l’Education nationale
– 1.633 postes dans l’enseignement privé sous contrat.

Au ministère, on précise que pour la première fois, le choix des postes supprimés va être fait "au plus près du terrain", académie par académie, en
s’appuyant sur les critères suivants:
– Possible augmentation de la taille des classes dans les écoles et les collèges "qui ne relèvent pas de l’éducation prioritaire".
– Les enseignants actuellement affectés en dehors des classes vont être ramenés devant les élèves. Mais l’activité des "Rased", ces enseignants
spécialisés dans la lutte contre l’échec scolaire qui suivent quelques élèves à la fois, "n’est pas remise en cause", assure le ministère.
– Suppression à terme dans les écoles des intervenants extérieurs de langues étrangères, qui devront être enseignées "à 100%" par les professeurs
eux-mêmes.
– Regroupements possibles d’établissements scolaires.
– Diminution des décharges des services d’enseignement.
– Adaptation de l’offre de formation des lycées généraux et professionnels, par exemple un mutualisant certaines options rares entre différents lycées.
– Poursuite de la diminution de la scolarisation en maternelle des enfants âgés de deux ans, sauf dans les établissements de l’éducation prioritaire
"ambition réussite" et "réussite scolaire".
– Adaptation des dispositifs de remplacement des enseignants absents, notamment en organisant la formation continue des professeurs en dehors de
leur temps de service.
– "Rationalisation" des moyens en personnels administratifs.

Salaires, effectifs, interventions : le gouvernement serre la vis des ministères (article des Echos du 29 septembre)

Le budget 2011 affiche, hors dette et pensions, un gel en valeur des dépenses. Une première, qui s’appuie notamment sur une baisse de 5 % des crédits d’intervention et de fonctionnement des ministères.

C’est un effort « historique », affirme le gouvernement. Pour la première fois, le budget 2011 affiche, hors charge de la dette et pension, une stabilisation en valeur des dépenses de l’Etat, à 274,8 milliards d’euros. Concrètement, l’application de cette norme du « zéro valeur » signifie que les ministères perdront du pouvoir d’achat, alors que la prévision d’inflation en 2011 est fixée à 1,5 %. C’est le prix à payer pour franchir un cap dans la lutte contre les déficits : ces quatre dernières années, les dépenses des ministères avaient augmenté, en moyenne, de 2,9 milliards par an. Le gouvernement excluant des hausses généralisées d’impôts, « c’est principalement sur la maîtrise des dépenses que repose le retour à l’équilibre de nos finances publiques », résume Bercy.

Pour y parvenir, l’Etat se veut exemplaire dans sa propre gestion. Le projet prévoit de réduire de 5 % les crédits de fonctionnement et d’intervention des ministères (-10 % d’ici 2013) et de poursuivre la stricte application du non remplacement d’un départ à la retraite sur deux. Quelque 97.000 postes devraient ainsi être supprimés en trois ans, dont 31.638 en 2011. Comme l’an passé, l’Education (-16.000) assumera la moitié de cet effort et la Défense un quart (-8.250). Les autres ministères les plus concernés, en volume, seront le Budget (-3.127), l’Intérieur (-1.597) et l’Ecologie (-1.287). Ces réductions d’effectifs s’accompagneront en outre du gel du salaire des fonctionnaires en 2011, acté au début de l’été.

Remise en cause de plusieurs mesures phares de la politique sociale

Au final, plus d’une mission sur sur deux de l’Etat verra son enveloppe globale diminuer. L’approche retenue est marquée par la remise en cause de plusieurs mesures phares de la politique sociale. Le nombre de contrats aidés passera par exemple, dans le secteur non marchand, de 400.000 cette année à 340.000. Les services à la personne ont beau être créateurs d’emplois, ils seront, eux aussi, un peu moins subventionnés qu’aujourd’hui. Les crédits de la ville et du logement sont aussi en recul, mais de 200 millions « seulement », l’exécutif ayant renoncé, fin août, &#224
; revenir sur le cumul des aides au logement des étudiants avec la demi-part fiscale. La mission « écologie » est largement mise à contribution, avec 600 millions de moins qu’en 2010. Ces économies permettront de financer d’autres charges, telles que la montée en puissance du RSA.

Certains ministères sont mieux lotis. L’accent est encore mis sur la Recherche et l’Enseignement supérieur, symbole des « dépenses d’avenir » que veut privilégier l’exécutif. Les effectifs du ministère resteront stables et ses moyens augmenteront. Autre bénéficiaire des arbitrages, la Justice, seul ministère dont les effectifs progresseront (+400). Malgré le virage sécuritaire, l’Intérieur est contraint à des efforts sur les effectifs mais c’est aussi parce que ses agents bénéficieront de fortes revalorisations salariales, pour un budget quasi stable dès lors. La Défense a dû revoir sa loi de programmation mais Hervé Morin estime avoir sauvé l’essentiel.

Parallèlement, l’Etat resserre également la vis à ses opérateurs et aux collectivités locales. Les premiers se verront eux aussi appliquer une baisse de 5 % des crédits et devront réduire leurs effectifs. Les secondes verront, elles, le montant du concours financier que leur verse l’Etat gelé en valeur durant trois ans.

DEREK PERROTTE

Budget 2011: des hausses d’impôt en douce (article de M. Orange Médiapart 29 septembre 2010)

  • C’est la clé cachée du projet de loi de finances 2011 qui va être présenté ce mercredi en conseil des ministres. «Le gouvernement va imposer la plus forte hausse de prélèvements depuis 1995», prévient Jérôme Cahuzac, président de la commission des finances de l’Assemblée nationale dans Les Echos. Le niveau des prélèvements obligatoires, tombé à 41% en 2010, devrait remonter au niveau de 2007 (43%), selon lui.
    Pourtant, tout en martelant son objectif de ramener le déficit budgétaire de 7,8% à 6% en 2011, le gouvernement, par la voix de François Baroin, ministre du budget, s’était engagé à ne pas procéder à une hausse générale de la fiscalité. En un sens, le projet de loi de finances 2011 tient l’engagement. Il n’y aura pas de hausse générale de la fiscalité. L’augmentation des prélèvements sera ciblée, organisant la préservation de certains au détriment de tous, au risque de renforcer le caractère illisible, inefficace, injuste, du système fiscal français.

    Les plus hauts revenus, «ceux qui créent les emplois, les richesses», comme dit Jean-François Copé, restent l’objet de toutes les attentions gouvernementales. Au moment où le gouvernement conservateur britannique confirme la hausse de la tranche supérieure de l’impôt sur le revenu pour la porter de 40 à 50% dans un esprit d’effort partagé, le gouvernement français a opté lui pour un geste circonstancié: le taux marginal de la tranche supérieure va être porté de 40 à 41%. Rude sollicitation en ces périodes d’austérité.

    Dans le même temps, le bouclier fiscal est naturellement maintenu. Malgré les appels répétés, y compris de la majorité parlementaire, pour au moins suspendre ce dispositif dans ces temps de rigueur, le gouvernement a refusé de bouger d’un iota: il en allait de la parole présidentielle. Ce maintien a une conséquence directe: il va exclure les plus hauts revenus de tout prélèvement supplémentaire, de tous les efforts collectifs demandés par ailleurs. Tout ce qui leur sera supprimé par le rabotage des niches fiscales va leur être reversé par le biais du bouclier.

    La deuxième catégorie épargnée, ce sont les entreprises. Enfin surtout les grandes. La ministre des finances, Christine Lagarde, a beau assurer que 60% des efforts sur les recettes concerneront les entreprises et 40% les ménages, les choix faits ne viennent pas vraiment confirmer cette affirmation. «Je ne vois qu’une seule mesure affectant vraiment les entreprises, à savoir le calcul de charges sur une base annuelle, soit 2 milliards d’euros», soutient Jérôme Cahuzac. Pour le reste, aucun des dispositifs fiscaux adoptés ces dernières années n’a été remis en cause. L’allégement de la TVA, ramenée de 19,5% à 5,5%, sur la restauration qui coûte 3 milliards d’euros a été maintenu. L’exonération de la fiscalité sur les plus-values sur la vente des filiales par les grands groupes, adoptée au gré d’une suggestion de Jean-François Copée et qui s’est traduite par un manque à gagner de 20 milliards en trois ans n’est pas modifiée. Le calcul du crédit impôt recherche dont le coût a été multiplié par trois en trois ans pour des dépenses de recherche constantes ne devrait pas être révisé, malgré les demandes des parlementaires.

  • Depuis 2007, 23 taxes ont été créées

    De même, certaines niches fiscales aux effets pervers reconnus et qui auraient pu être supprimées seront justes «rabotées» pour ne pas nuire aux intérêts de tel ou tel secteur. Ainsi, la défiscalisation sur le logement locatif. Cette loi Scellier a totalement déformé le marché de l’immobilier, entraînant à la fois des surproductions dans certains endroits et une inflation artificielle des loyers. Mais le gouvernement s’est refusé à tirer un trait sur ce dispositif si apprécié par le secteur de la promotion et du BTP. Comme il s’est interdit de supprimer la défiscalisation sur les investissements dans les Dom-Tom, qui sert plus à la création de résidences de loisirs qu’à faire émerger des entreprises.

    La grande compréhension du gouvernement s’arrête là. Car il faut bien trouver des économies et des recettes supplémentaires.
    L’année dernière, les parlementaires avaient trouvé déjà insupportable la défiscalisation des indemnités versées au titre des longues maladies (150 millions d’euros par an). Ils l’avaient donc supprimée. Cette année, le gouvernement juge illégitime de conserver les avantages liés au bénéfice de la double déclaration lors de la première année de mariage (350 millions d’euros par an). Ce
    dispositif, qui n’est pas une niche comme l’a abusivement présenté le gouvernement, mais est issu du code fiscal, va donc être supprimé. En revanche, pas question de toucher à la fiscalité sur les stock-options ou sur les retraites chapeaux, comme le conseille Edouard Balladur lui-même. Pas question non plus de revoir la fiscalité sur les successions ou les donations. Il est des exonérations qui sont plus intolérables que d’autres. «Le déni du gouvernement sur la question des impôts démontre un entêtement à protéger les privilégiés, au risque que la France dérive vers un endettement insoutenable à terme», accuse Terra Nova dans une étude sur le budget.

    N’aimant guère la fiscalité directe, le gouvernement en revanche affectionne la fiscalité indirecte: elle ne se voit pas, elle est donc supposée indolore. Depuis 2007, le gouvernement a déjà créé 23 taxes supplémentaires, portant aussi bien sur les routes, l’énergie, les contrats et autre. Le projet de loi de finances 2011 va en ajouter une pelletée supplémentaire, qui va automatiquement être supportée par les consommateurs. La TVA sur les abonnements internet va être portée à 19,6% sur l’ensemble des services, la taxe sur les contrats d’assurance santé va être relevée. Les loyers HLM, jusqu’alors dispensés de taxe d’enregistrement, vont y être soumis, ce qui va représenter 80 euros par logement selon les calculs des bailleurs sociaux. Et le gouvernement va supprimer d’ici à 2014 ses aides au logement social locatif. Et ainsi de suite.

    La hausse des prélèvements risque de se poursuivre au niveau de la fiscalité locale. L’Etat a décidé de geler ses concours financiers aux collectivités locales en 2011. Compte tenu des engagements de compensation pris, des règles de péréquation, ce sont plus de 30.000 communes qui courent le risque d’être pénalisées dès 2011, selon l’association des maires de France. Et cela va s’ajouter aux coupes budgétaires, aux baisses d’investissement, à l’affaissement partout du service public.

    Ce budget injuste, illisible, a en plus toutes les chances d’être inefficace. Les hypothèses de croissance sur lesquelles il est bâti sont jugées irréalistes: jamais l’activité n’augmentera de 2% l’an prochain, assurent les économistes. Les plus optimistes tablent sur une croissance de 1,5%. Cette absence de réalisme risque de se payer très cher: on va très vite reparler des déficits publics.