Monsieur le Recteur,

Déclaration FSU au CTA du 23 mars 2020

La crise sanitaire actuelle montre aux citoyen.ne.s l’intérêt majeur des services publics qui ont en charge la mise en œuvre de l’intérêt général.

Pour qu’un État fasse front en temps de crise, il faut des services publics en ordre de marche, des services publics en état de fonctionnement, préparés, ayant les moyens de leurs ambitions. Or, depuis de nombreuses années, les politiques néo-libérales, validées par les gouvernements successifs, ont vidé ces potentiels. Ils n’ont fait que démanteler progressivement l’ensemble des services publics. Les moyens récupérés ne sont aujourd’hui qu’au service de quelques-uns, entreprises du CAC 40 et autres actionnaires, assoiffés de profit. Il aura fallu un virus pour mettre à jour leur avidité.

Alors, une fois de plus, on loue les héros et les héroïnes du jour. Hier, il s’agissait de la police exposée à la folie de terroristes. Aujourd’hui, ce sont les personnels des services hospitaliers. La réaction des populations montre la reconnaissance de l’engagement total de ces personnels, parfois au péril de leur vie. Elle exprime aussi une solidarité par rapport aux conditions de travail dans lesquelles ils se trouvent. S’il est parfois difficile de mettre du sens à la nécessité des services publics alors que tout un courant de bien penseurs ne cesse de les décrédibiliser, leur mise en péril et le traitement de ses fonctionnaires prennent aujourd’hui une forme concrète.

Nous sommes tous le dos au mur. Il faut donc agir de façon coordonnée en restant dans la réalité des moyens que nous pouvons engager. Si on ne peut qu’être d’accord avec les mesures de confinement pour endiguer la propagation du virus et empêcher l’engorgement des hôpitaux, ces mesures se mettent en place parfois dans la confusion et la désorganisation entretenues par certains ministres.

Les propos de la Ministre du travail vis à vis du secteur du BTP l’accusant de « défaitisme » et de « manque de civisme » alors que les consignes sont au confinement général illustrent les contradictions. Les mots de notre Ministre affirmant partout que « nous sommes prêts » depuis des semaines résonnent étrangement aux oreilles de toutes et tous en se heurtant à la réalité. Une fois de plus, sa posture mine sa crédibilité par ailleurs déjà interrogée par le fait que ses propos soient systématiquement démentis par le Président ou son Premier Ministre (fermeture des écoles, collèges et lycées, permanence dans ces établissements …). Ces ministres témoignent d’un manque de maîtrise de la situation et de sa gravité, qui a conduit certains à une prise de risques inutiles. N’est-ce pas une défiance envers les personnels qui sont pourtant en première ligne ? Tous ont à cœur de conduire du mieux possible leurs missions, et de ne laisser personne de côté. La confiance devrait être de mise en s’appuyant sur le sens des responsabilités des personnels, nous regrettons que ce ne soit pas forcément le cas.

Les personnels s’engagent et déploient beaucoup d’énergie pour assurer un lien avec les élèves et les familles, essentiel notamment pour les plus fragiles. Ils et elles organisent la continuité de service et tentent de maintenir, autant que faire se peut, une activité scolaire en dépit des difficultés matérielles (organisation personnelle compliquée, outils informatiques, serveurs et connexions saturés). D’ailleurs, si les dysfonctionnements des outils informatiques ne sont pas une nouveauté, un bilan sérieux devra être fait à l’issue de cette crise sur ce point.

La communication aux familles doit rester modeste et correspondre à la réalité. Parler de continuité pédagogique, c’est donner l’illusion aux familles et aux élèves d’une classe à domicile, qui fonctionnerait quasiment aussi bien qu’en présentiel, alors que nous savons qu’il n’en est rien. Le contact avec une partie de nos élèves peut parfois être perdu,

d’autres peinent à travailler seul·es, des parents ne parviennent plus à aider leurs enfants. Les conditions de confinement d’une famille à une autre sont extrêmement variables (taille du logement, nombre de personnes confinées, etc). Les activités des un-es et des autres sont également extrêmement variables : les parents doivent télé-travailler, s’occuper des enfants et gérer le quotidien. D’importantes inégalités sociales sévissent dans les territoires, où les élèves les plus éloignés des codes scolaires, les plus touchés par la fracture numérique, sont les plus impactés par la situation. Selon l’âge des élèves, les objectifs pédagogiques seront différents : si dans le premier degré, il s’agit de maintenir un rythme de vie et des activités en lien avec l’école, en second degré, il s’agit d’entretenir les acquis et, pour les niveaux à examen, de « limiter la casse ».

La situation de crise actuelle génère de l’angoisse chez toutes et tous, qu’il faut urgemment dissiper en prenant en compte toutes ces réalités sans faire culpabiliser les uns ou les autres. La FSU rappelle la nécessité de concilier continuité du service public, protection des agent.es et respect de leurs droits : les activités nécessitant la présence physique des agent-es dans les services doivent être réduites au strict nécessaire et impérativement assorties du matériel, avec les protections adéquates. Les personnels volontaires répondent à la nécessité d’accueillir les enfants des personnels soignants et médico-sociaux qui ne disposeraient d’aucune solution de garde, mais ils doivent bénéficier des protections nécessaires (masques, etc.) et ne peuvent passer leur temps à recevoir des injonctions contradictoires.

Il est en revanche irresponsable d’exiger encore la présence des personnels dans les services hors situations nécessitant absolument une présence physique.
La FSU demande une expression claire adressée aux personnels afin de leur manifester la confiance dont ils-elles ont réellement besoin, déconnectée de toute pression et dédramatisant une obligation de résultats qui angoisse tout le monde. En outre, des clarifications sont nécessaires sur la manière dont la fin d’année est envisagée et dont la préparation de rentrée s’organise. Personne ne peut connaître l’évolution exacte de la situation, mais échanger pour aboutir nous semble nécessaire : question des examens et concours, report des opérations de carte scolaire, définition de priorités, plan d’urgence pour répondre à la fracture scolaire, sécurisation de la situation et de la santé des personnels … permettant un échange serein de l’ensemble de la communauté éducative. La FSU rappelle que le plus grand soin doit être apporté à la qualité de l’information échangée avec les organisations syndicales.

La Loi d’urgence sanitaire, votée à l’Assemblée Nationale tout récemment, contient des dispositions qui en disent long sur le maintien du cap gouvernemental à l’égard des agents publics. Il aura fallu attendre plus de 8 jours pour que le jour de carence dans la Fonction Publique soit enfin « suspendu » et que les précomptes, déjà injustes, qui réduisent les salaires soient enfin abandonnés. Elle prévoit aussi une dégradation majeure du Code du Travail permettant d’imposer ou modifier unilatéralement les congés payés, les RTT, les jours de repos et compte épargne temps. Les dérives sont déjà constatées. La loi les couvrira !

Notre pays, l’Europe, ne pourront sortir de cette crise sans changements profonds des politiques qui ont perdu de vue l’intérêt commun et particulièrement des plus démuni-es. La FSU exprime avec sincérité sa solidarité à tous les salarié·es qui ne peuvent encore se confiner : soignant-es, caissières et caissiers, manutentionnaires, livreurs, personnels de l’éducation,…. sans oublier les plus démuni-es : migrant·es, sans papiers, SDF, Rroms,…

Le CTA qui se tient aujourd’hui regroupe deux instances, l’une consacrée aux ATSS et l’autre concernant les enseignants. Malgré la situation exceptionnelle et les modalités (visio-conférence), la FSU a décidé d’y participer pour continuer de porter la parole des personnels.

Pour le CTA ATSS : La loi de transformation de la Fonction Publique, combattue par la FSU, a entrainé la disparition des tableaux périodiques de mutation et des barèmes pour les ATSS. Outre la perte de droits pour les agent.es, les campagnes annuelles de mutation ou les mutations au fil de l’eau sont de nature à poser de sérieux problèmes d’organisation du service public d’Education pouvant aller jusqu’à impliquer des effets de ruptures dans les continuités de service. Or, l’accompagnement des élèves, notamment ceux à besoins particuliers, la connaissance et l’adaptation de l’Ecole s’effectuent en grande partie dès la rentrée, et la cohésion des équipes éducatives et pédagogiques de l’Education Nationale est favorisée par le respect du calendrier scolaire.

Quant à la transformation des CAPA en instances de contestation de décisions individuelles, elle fait fi de la représentation des personnels, de la transparence des décisions et de tout le travail des commissaires paritaires, qui pouvaient porter et défendre les carrières des agents. C’est désormais une gestion comptable des ressources humaines, axée sur la performance et la rentabilité, au détriment de la qualité du service public. La FSU dénonce les critères retenus notamment chez les assistant-es de service social et s’insurge contre la volonté de l’administration de privilégier la valeur professionnelle -donc le mérite- au détriment des critères objectifs tels que l’ancienneté de l’agent-e. Ainsi, ce sont désormais des croix cochées à la fin de l’entretien professionnel qui permettront de départager les agent-es qui pourront bénéficier d’un avancement.

Concernant les personnels infirmiers, la FSU dénonce l’absence de créations de postes depuis 3 ans, les redéploiements et les menaces de décentralisation vers les départements sous forme de service médico-centré et avec des missions de santé publique dont l’efficacité n’a pas été démontrée. Tout ceci participe à la négation de leur rôle au quotidien dans les établissements scolaires, au service de la réussite scolaire des élèves et donc, in fine, à la négation des besoins des élèves et étudiant.es qui ont été plus de 18 millions à bénéficier de consultations infirmières en 2018/2019, ainsi qu’à une nouvelle dégradation des conditions de travail.

Cette menace semble s’étendre aux services sociaux du MEN. Concernant le Service Social en Faveur des Élèves si, pour le moment, aucun élément concret n’est de nature à annoncer de manière ferme et définitive sa décentralisation un faisceau d’indices laisse à penser que ce sujet est à l’étude. La FSU rappelle que les missions du Service Social en Faveur des Élèves ne sont pas des missions de santé publique et que sa place est à l’Education nationale, au sein des établissements. La politique éducative sociale et de santé doit rester sous la responsabilité et la gouvernance du Ministère de l’éducation nationale.

Au sein des CROUS, la FSU tient à dénoncer la suppression de l’action sociale : les aides qui entrent dans ce champ constituent un complément important de rémunération pour les agent.es concerné.es, et cette décision, prise en toute discrétion, va pénaliser les personnels.

Pour le CTA enseignants : les points à l’ordre du jour qui concernent la prochaine rentrée scolaire montrent ce que la FSU dit depuis de nombreux mois : la baisse démographique ne peut justifier l’ampleur des suppressions de postes prévus ; on voit bien là l’effet de la réforme du lycée qui conduit à des suppressions de postes et à une diminution de l’offre de formation au sein des lycée généraux et technologiques. En collège, les moyens seront insuffisants au regard des besoins et ne peuvent conduire qu’à une nouvelle dégradation des conditions de travail et d’apprentissage.

Malgré les conditions très difficiles dénoncées aujourd’hui par la FSU, nous tenons à remercier tous les personnels (y compris Me Forveille, et les services du rectorat, pour la mise en place de cette visioconférence ainsi que le temps passé à résoudre tous les problèmes techniques).