Rentrée scolaire :
De trop nombreux enfants à la porte de l’école !
En France, des milliers d’enfants ne sont pas scolarisés, en raison de facteurs multiples (éloignement des lieux de vie, expulsions à répétition, manque d’infrastructure…). Cette tribune collective publiée par Libération le 17 septembre 2018 interpelle le Président de la République et le ministre de l’Éducation nationale pour rendre le droit à la scolarisation pleinement effectif.
A l’heure où la majorité des enfants en France se familiarisent avec leur nouvelle école ou leur nouvelle classe, une minorité d’enfants et adolescents invisibles continue d’être exclue de l’école, laissée pour compte. L’école est un droit en France, mais elle n’est pas un acquis pour les milliers d’enfants et adolescents qui chaque année voient leur avenir compromis.
Pourtant, garantir l’accès à l’éducation à tous les enfants, indépendamment de leur situation sociale, géographique, familiale ou de leur origine est une obligation inscrite dans le Code de l’Education comme dans plusieurs conventions internationales que la France a choisi de signer. Le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a ainsi rappelé la France à l’ordre, lui demandant de « garantir à tous les enfants le droit à l’éducation sans discrimination » [1].
Le candidat Emmanuel Macron avait annoncé que l’école primaire serait une priorité s’il devenait Président, « pour que tous les élèves sachent lire, écrire et compter en arrivant en 6ème ». Si le dédoublement des classes de CP puis CE1 en réseau d’éducation prioritaire a envoyé un signal positif aux écoliers les plus fragiles, nous déplorons profondément que cette nouvelle rentrée scolaire perpétue l’exclusion de l’école des enfants les plus fragiles.
L’identification et le repérage systématique des enfants non scolarisés manquent aujourd’hui, faisant ainsi obstacle à leur accompagnement vers l’école, notamment par les dispositifs existants. Des estimations permettent toutefois de cerner l’ampleur du phénomène. Dans l’hexagone, 80 % des enfants vivant en bidonvilles et en squats ne sont pas scolarisés [2], mais c’est aussi le cas d’enfants vivant en habitat précaire, en hébergement d’urgence, ou encore accueillis temporairement avec leur famille chez des proches. De nombreux jeunes sans représentants légaux sur le territoire sont également exclus de l’école durant des mois, notamment quand leur minorité est contestée. Des milliers de jeunes handicapés se retrouvent aussi sans aucune solution de scolarisation. Le problème est décuplé dans les Outre-mer : certaines estimations évoquent 5 000 enfants à Mayotte et 10 000 enfants en Guyane privés d’école. Quel avenir, quelles perspectives la France propose-t-elle à ces enfants et adolescents ?
La non-scolarisation est une problématique dont la pluralité des facteurs nécessite une approche globale : éloignement des lieux de vie des écoles (ou inaccessibilité par les transports en commun), expulsions de bidonvilles ou squats ou déplacements contraints d’un hôtel social à un autre entrainant une rupture dans la scolarité, double déficit en infrastructures et en personnels qualifiés à Mayotte et en Guyane, barrières matérielles liées aux conditions de vie (achat de vêtements, coût de la cantine, etc.), dispositifs pour élèves allophones saturés dans certains territoires, freins liés aux situations de handicap, tels que le manque d’auxiliaire de vie scolaire, etc.
Les refus d’inscription scolaire ou les tracasseries administratives opposées par certaines municipalités sont particulièrement inadmissibles : variabilité des pièces à fournir, demandes abusives de justificatifs, création de listes d’attente opaques et injustifiées. Si ces pratiques des mairies sont inacceptables, l’État doit faire en sorte qu’elles cessent : est-il nécessaire de rappeler que l’inscription scolaire en maternelle et primaire est une mission exercée par les maires au nom de l’État qui engage, in fine, la responsabilité de celui-ci ?
Nous appelons donc solennellement le Président de la République et le Ministre de l’Education nationale à insuffler la dynamique indispensable qui permettra de combler le fossé entre les textes et leur application effective. Cette question est d’autant plus d’actualité que le gouvernement a étendu la scolarité obligatoire à 3 ans. Faisons de cette mesure importante une opportunité pour enrayer l’exclusion scolaire dès le plus jeune âge.
Nos organisations ont des solutions concrètes à proposer pour rendre pleinement effectif ce droit fondamental et avancer vers une école toujours plus inclusive. Parmi celles-ci, la mise en place d’un observatoire de la non-scolarisation dans toutes les académies permettrait un réel pilotage d’une politique nationale d’inclusion scolaire, de mettre des chiffres et des visages sur cette réalité. En pratique, la mise en place d’un travail de médiation pour faire le pont entre ces publics fragiles et l’institution scolaire s’avère être une piste pertinente.
Nous suggérons également au gouvernement de prendre avant la fin de l’année un décret fixant la liste des pièces justificatives devant être acceptées par les maires lors de l’inscription en primaire, afin de limiter les abus en clarifiant les règles applicables et en imposant la délivrance d’un récépissé de dépôt de la demande.
A la veille du 30e anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant, il est urgent d’agir pour mettre fin aux dénis de droit constatés. L’accès à l’école de tous les enfants, c’était le sens de l’engagement du candidat E. Macron à travers la tribune d’Anne Lebreton et Alain Régnier le 23 mars 2017 « Pour Emmanuel Macron, l’école doit être une réalité pour tous les enfants » : la place de tous les enfants est à l’école !
Tribune collective publiée par Libération le 17 septembre 2018
Premiers signataires :
Christine Lazerges, Présidente de la Commission nationale consultative des droits de l’homme
Unicef France
Collectif National Droits de l’Homme Romeurope
ADJIE (permanence d’Aide et Défense des Jeunes Isolés Etrangers)
AEDE (Agir ensemble pour les droits de l’enfant)
ASET 95 (Aide à la scolarisation des enfants tsiganes)
ASET 69
ASET Franche Comté
Association Rencont’roms nous – Toulouse
Association TANGRAM (Guyane)
ATD Quart Monde
ADDE (Avocats pour la Défense des droits des étrangers)
CCFD – Terre solidaire 93
CDERE (Collectif pour le droit des enfants Roms à l’éducation)
CFTC (Confédération française des travailleurs chrétiens)
CGT (Confédération générale du travail)
Chrétiens dans l’Enseignement Public
CLASSES (Collectif Lyonnais pour l’Accès à la Scolarisation et le Soutien aux Enfants des Squats)
Collectif AEDE (Agir ensemble pour les droits de l’enfant)
Collectif Romeurope du Val Maubuée
Collectif Romeurope-Antony
Collectif Solidarité Roms Toulouse
COFRADE (Conseil Français des associations pour les droits de l’enfant)
CFHE (Conseil Français des personnes Handicapées pour les questions Européennes)
Ecole dans la rue
Ecole enchantiÉe
FASET (Fédération des associations d’aide à la scolarisation des enfants tsiganes)
FCPE (Fédération des conseils de parents d’élèves)
FCPE Gironde
Fédération Sud Education
FSU (Fédération Syndicale Unitaire)
Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré⋅e⋅s)
Hors la rue
ICEM – pédagogie Freinet
La Cimade
La Voix des Rroms
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
LDH – Section du Pays d’Aix-en-Provence
Le Village d’Eva (Mayotte)
Ligue de l’Enseignement
Médecins du monde
MRAP (Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples)
Réseau Accueil Insertion de l’Hérault
RESF (Réseau Education sans frontières)
Romeurope 94
Secours Catholique
SUD Éducation 93
UNAPEI
UNSA (Union nationale des syndicats autonomes) UNSA Education