Présence massive pour ce premier samedi de septembre. 1 500 personnes ont répondu à l’appel contre la xénophobie d’Etat et la politique sécuritaire et discriminatoire menée par le gouvernement. lire l’intervention unitaire….
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Je prends la parole ici, au nom de tous les partis,syndicats et associations présents parce que c’est la Ligue des Droits de l’Homme nationale qui est à l’origine de notre rassemblement d’aujourd’hui qui a lieu ce jour dans environ 150 villes françaises.
Au moment où la France, comme toute l’Europe et les Etats-Unis est confrontée à une crise économique et sociale dont on ne peut encore mesurer la durée et la gravité, il semblerait logique que notre gouvernement appelle à l’union et à la solidarité de tous les citoyens pour affronter l’épreuve. On pourrait penser qu’il voit l’intérêt de stimuler la lucidité et le courage, l’esprit civique, la lutte contre l’égoïsme individualiste pour susciter un grand élan de résistance de tout le pays.
Eh bien non, ce n’est pas la voie qu’a choisie notre président et son gouvernement : il préfère préparer les élection de 2012 et en appeler à toutes les vieilles recettes qu’emploient les hommes politiques sans scrupules et sans programme quand l’état tombe dans le marasme : susciter la désunion en agitant l’obsession sécuritaire, et en désignant de façon simpliste des boucs émissaires, sur qui faire porter le mécontentement et détourner l’attention des problèmes politiques et sociaux majeurs qu’il ne sait comment traiter : chômage, retraite, sécurité sociale.
Il n’a pas hésité à favoriser l’expression des vieux démons éternels du populisme tels que la haine de l’autre, rendu responsable de tous les maux en lançant un débat sur l’identité nationale qui a servi bien souvent d’exutoire au racisme le plus primaire.
L’autre, c’est d’abord l’étranger, le pauvre, celui qui est différent du consommateur heureux qui rêve d’imiter le mode de vie de ses dirigeants et afficher sa réussite matérielle personnelle par des signes ostentatoires de richesse d’ailleurs uniformisés. Malheur à celui qui n’est pas propriétaire, n’a pas la peau blanche et bronzée, une carte bancaire qui lui permet croisières et safaris, piscine personnelle et grosses cylindrées. Non seulement celui qui ne consomme pas assez n’existe pas sur l’échiquier politique, mais on l’accuse de tous les maux dont souffre notre société.
Loin de favoriser l’intégration des étrangers quels qu’ils soient qui, pour des raisons politiques fuient leurs pays d’origine (ce qui a depuis le 19è siècle au moins été une source de développement pour la France), ce gouvernement fait subir aux demandeurs d’asile un véritable calvaire avant de leur octroyer parfois un titre de séjour. Bien que tout un chacun sache que des pans entiers de notre économie reposent sur le travail des étrangers réguliers ou irréguliers (bâtiment, hôtellerie, sécurité, aide à la personne), il refuse de régulariser ces derniers et n’a octroyé des titres de séjour à certains qu’au terme d’une grève de presque un an.
Alors que notre pays tarde encore à reconnaître les souffrances avérées des tziganes et gens du voyage lors de la dernière guerre mondiale, non seulement du fait de l’occupant nazi mais aussi du racisme ou de l’indifférence d’une partie des Français, alors qu’ils sont souvent traités encore comme des citoyens de seconde zone, une nouvelle vague de haine à leur égard est encouragée à la faveur d’un amalgame entre les gens du voyage quels qu’ils soient qui sont de nationalité française, et les Roms étrangers venus de l’est de l’Europe. Sous couvert de traquer l’irrégularité du séjour de ces Européens dont personne ne veut, c’est toute la communauté des gens du voyage français qui se trouve visée par les contrôles d’identité, le démantèlement brutal des camps illégaux en raison du manque de places pourtant prévues légalement à leur intention.
Au lieu de prendre en compte la discrimination dont presque 12 millions de Roms sont victimes dans toute l’Europe et d’avoir pris les mesures nécessaires pour qu’un meilleur traitement leur soit réservé dans les différents pays, le gouvernement fait du chiffre en renvoyant brutalement chez eux ces Européens que la misère et le racisme forceront à revenir de toutes façons si leur sort n’est pas amélioré en Bulgarie et Roumanie. Leur expulsion massive va-t-elle pour autant régler les problèmes de sécurité en France ?
La stigmatisation de l’étranger assimilé au délinquant permet l’économie d’une réflexion sur la désespérance d’une partie de la population ghettoïsée et précarisée par le chômage de longue durée, le travail à temps partiel imposé, les aléatoires mission d’intérim. La délinquance n’est pas à traiter par la seule répression sous toutes ses formes : il faut de la prévention à tous les niveaux et non une suppression de l’encadrement des élèves dans les collèges et des jeunes dans les quartiers. Il faut des aides aux familles en difficulté et pas seulement des sanctions. Au lieu de déchaîner la vindicte populaire sur le port du voile islamique, il vaudrait mieux questionner le taux du chômage des Français dits issus de l’immigration et lutter efficacement contre les discriminations à l’embauche et au logement.
On verrait mieux alors que le repli communautariste est surtout une réponse pour ceux à qui la France n’accorde pas une place et une dignité égales à celles des Français de souche. Et ce n’est pas la menace de déchoir de la nationalité acquise depuis moins de 10 ans en cas de délit grave qui apaisera la rancœur des déçus de l’intégration. D’autant que l’on veut priver les personnes discriminées de l’aide pourtant limitée d’organismes comme la Halde en la remplaçant par la création d’un Défenseur des Droits dont l’indépendance n’est pas assurée.
En fait si nous sommes tous réunis ici, partis d’opposition, syndicats et associations c’est pour dire que nous ne reconnaissons pas la France et ses valeurs dans l’orientation que choisit pour elle le gouvernement actuel. C’est bafouer l’article 1 de notre constitution qui stipule que la république assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race et de religion. Nous ne faisons d’ailleurs que rejoindre le rappel à l’ordre exprimé par l’ONU à l’encontre de la politique discriminatoire et xénophobe menée par notre gouvernement qui gêne même certains élus de la majorité. Ce populisme de l’exclusion, cette surenchère sécuritaire qui comble l’extrême droite afin de la rallier aux prochaines élections n’est d’ailleurs pas assuré de ne pas faire le lit du Front national.
Nous ne voulons pas d’une guerre interne contre les étrangers, menée à coup d’annonces xénophobes pour masquer la faillite d’une politique et faire oublier les affaires. Elle ne vise que des fins cyniquement électoralistes. Elle ne sème que l’humiliation et la haine et elle est dangereuse.
Allons-nous supporter longtemps que l’obsession sécuritaire, peur du terrorisme ou de la délinquance plus ou moins fantasmés jointe à une situation économique difficile autorise le déni de notre devise nationale « liberté, égalité et fraternité » ? Cette focalisation sur l’étranger responsable de tous nos maux de société ne nous abuse pas : le péril est ailleurs. Il est dans l’autorité excessive du Président, le déferlement de lois liberticides, la confusion de l’exécutif et du judiciaire, la mise à mal des acquis sociaux, la précarisation d’une bonne partie de la population française et les profits trop visibles d’une petite frange. Résistons à l’intoxication langagière qui façonne les consciences et les fait se satisfaire de solutions simplistes et d’ailleurs inefficaces pour traiter les problèmes essentiels de notre société. Développons une véritable politique de solidarité plutôt que de stigmatiser et sanctionner sans cesse des groupes humains ou des quartiers. Cette politique est peut-être payante électoralement mais infiniment dangereuse pour l’avenir de notre pays dont nous sommes responsables comme l’ont été dans le passé des peuples qui, préoccupés par leurs problèmes économiques, ont laissé faire des monstruosités en leur nom. Il y a urgence à réagir pour la défense des droits non seulement des étrangers mais de tout citoyen.