Intervention FSU le Samedi 26 septembre dernier Place de la République au Mans

Chers amis, chères amies, 
On est là. 
Nous sommes là. 
Nous sommes ici. 
Ici au Mans. C’est important. 

Une autre chose est importante, c’est que cela ne se passe pas qu’en Sarthe, mais dans tout le pays. C’est même une journée mondiale pour le climat.

Que faisons-nous ici et ailleurs? Au fond nous pensons demain. « Demain sera toujours demain », dit Claude Sicre dans sa chanson, « demain fuit qui le poursuit », et, oui, le temps avance inexorablement, inhumainement pourrait on dire. On le sait, avec Aragon, Ferrat, le poète a toujours raison.  
Et en effet on peut démettre le pire des dictateurs en quelques heures, on peut gagner contre les pires injustices en quelques dizaines d’années, on peut lutter contre la dévastation d’une planète et de ses écosystèmes qui se détériorent en quelques siècles. Mais, dans le contexte présent, cela suppose de s’y mettre très vite. 

Maintenant. Il y a urgence. 

Qu’on soit d’ici ou d’ailleurs dans le monde, les incendies gigantesques se multiplient, les glaces des pôles fondent, la température moyenne du globe se réchauffe et les pollutions ne cessent de faire des ravages sur la faune et la flore partout sur la planète. 
Dans le même temps, les injustices croissent et les pouvoirs autoritaires prolifèrent. 

Nous avons une élection présidentielle dans une 20 aine de mois, qui, si l’on en croit "les sondages", affrontera au deuxième tour un parti d’extrême droite et un parti d’extrême centre, c’est à dire de droite ultralibérale sur le plan économique. 
Au fond ce sont deux versions de l’ancien monde, deux versions d’un même conservatisme, d'une même réaction et des mêmes intérêts financiers, deux versions d’une violence sociale et policière assumée, deux versions d’un déni d’humanité, deux versions d’une concurrence économique qui continue la destruction systématique de la bio diversité, des ressources, de la vie.

Alors pour la FSU, comme pour nous toutes et tous, oui c’est important d’être là. De ne pas baisser la tête devant cet avenir, de la relever et d’en préparer un autre, juste, écologique, solidaire et émancipateur. 

Le 4 juillet dernier en organisant un premier évènement, CGT, FSU, UNEF, ATTAC et CNT, avec une mise en scène des 34 mesures du plan de sortie de crise, nous étions déjà là et il faut le remarquer, nous avons été nationalement peu nombreux à avoir une initiative aussi précoce.

Nous sommes ici de nouveau, plus nombreux et plus nombreuses et nous le serons de plus en plus dans les semaines et mois à venir. C’est important.

Mais le plus notable aujourd’hui c’est autre chose. C’est ce qu’il y a derrière ce NOUS. Qui sommes NOUS ? Eh bien vous l’avez vu, cette journée qui s’inscrit dans la marche mondiale pour le climat, en Sarthe, est une initiative soutenue par des mouvements, des organisations, qui auparavant agissaient séparément. Se croisaient parfois, mais ne se joignaient que trop rarement. 

Toutes ces démarches voulaient et veulent changer le monde, 
Toutes ces démarches en présentaient les dangers, les injustices, les dominations abusives, et toutes voulaient le rendre meilleur.

Les unes luttaient sur des enjeux écologiques, les autres sur des enjeux sociaux. 
Les unes priorisaient le nombre et l’action collective. Un syndicat n’est rien s’il n’est pas nombreux.

Les autres priorisaient la conscience individuelle, l’action commando. Il fallait rendre visible non pas la masse, mais le geste symbolique, fort, questionnant. 
Les uns et les unes voulaient d’abord sauver la planète, les autres voulaient d’abord sauver les humains, leur dignité. 

Ce à quoi nous participons aujourd’hui c’est à une jonction inédite de ces deux histoires de lutte, de conscience, d’émancipation.

Pour faire ce document, de chaque côté on s’est tourné vers l’autre et on a arrêté de poser une priorité entre climat et social, ou entre social et climat. Les uns et unes ont compris qu’on ne sauvera pas la planète sans protéger les humains, quand les autres ont compris qu’on ne protègera pas les humains, leur dignité, leur liberté, sans protéger la planète. Pour qualifier cet élan, on ne va pas utiliser les mots que la macronie nous confisque, ce « en même temps » vide et schizophrène, mais l’idée d’agir ensemble en accordant autant de valeur à la préservation du climat, qu’à la préservation des humains. Dans une articulation étroite, raisonnée. 

Bien sûr que beaucoup d’entre nous ici n’ont pas attendu pour mener, à titre individuel, les deux combats. Pour aller aux manifestations, pour faire grève, solidairement, fraternellement, et aussi pour réfléchir et contrer avec d’autres telle construction abusive d’autoroute, de ligne électrique haute tension inutile, pour défendre un milieu humide qu’il et elle voit dépérir à sa porte, ou pour financer une ONG internationale qui lutte contre la déforestation brésilienne. 

Tout cela est important à rappeler, mais aujourd’hui cela va encore plus loin. 

18 organisations ont produit un plan de sortie de crise. Parmi elles la CGT, la FSU, Solidaires, l’UNEF, la confédération paysanne, mais aussi Green Peace, Alternatiba, Oxfam. Je ne cite que celles-ci pour illustrer la force unificatrice de la démarche. 
Qui l’aurait pensé il y seulement un an? Il y a bien sûr des organisations « pont », comme ATTAC dans cette démarche, qui font ce travail depuis longtemps d’articulation de l’économie, du politique et de l’écologie. Mais la démarche ne serait rien si elle ne venait pas rencontrer des aspirations profondes, des prises de conscience. 

Ce qui est important aujourd’hui c’est que nous soyons là! D’où que nous venions, d’une culture plutôt « climat », ou d’une culture plutôt « sociale », et que nous construisions ensemble. 
Car, on peut saluer l’effort de ces organisations signataires pour s’ouvrir, prendre le risque de changer de point de vue, pour avoir couché sur le papier de vraies propositions qui tiennent les deux bouts (climat et social), mais ces 34 mesures, qui sont belles, il faut le dire, qui saisissent par leur audace, qui sont révolutionnaires, qui sont précises, ne sont encore que des idées. Un cadre délibératif, propice à orienter sans fermer, à inventer en liberté, et demain à lutter efficacement. 
Ce plan fixe une direction, mais pas un chemin. Et chacun sait que l’important ce n’est pas le but, mais le chemin. 

En 1945, le Conseil National de la Résistance a préparé les jours heureux. Le ministre  Ambroise Croisat a fait naître la sécurité sociale. Il fallait là aussi penser économiquement, politiquement, socialement, philosophiquement, culturellement… Ces choix politiques de sécurisation des populations ont fait baisser la mortalité, ont permis de reculer l’espérance de vie. Des dominations ont reculé, celle des femmes, celle des ouvriers et des ouvrières, une démocratisation de la culture a commencé. Mais il faut bien le dire, ces jours heureux ont été d’abord des années de consommation. Chacun, chacune, s’est acheté une voiture, une machine à laver, et puis a régulièrement jeté, racheté… Années de consommation qui aujourd’hui, nous le voyons, ont été des années de consumation. Consumation des ressources, consumation de l’air respirable, de l’eau buvable, consumation qui comme toute consumation réchauffe la planète. Il s’agit aujourd’hui de poursuivre l’énorme élan de solidarité créé à l’époque, mais en arrêtant de consumer. Aux jours heureux il faut ajouter aujourd’hui la perspective d'une sobriété heureuse et conviviale. Construisons cela et commençons dès aujourd’hui.  

C’est donc très important de rester après cette manifestation à la chaîne humaine (on peut commencer à débattre avec sa voisine ou son voisin) et ensuite aux débats qui s’organiseront, par groupes restreints, en gardant distance physique, ce qui n’empêche en rien d’autres proximités de fraternité, de réflexion, d’élaboration.  

Ce qui serait un échec, ce serait que le militant ou la militante climat ne soit pas là maintenant dans la forme classique à laquelle nous participons de manifestation. 

Ce qui serait un échec ce serait que le militant ou la militant-e syndicale, à la fin de cette manifestation, parte parce que ce qui suit ne le-la regarde plus. 
Nous avons bien parlé tout à l’heure de culture. Et il s’agit bien de cela. 

Les uns doivent accepter les formes de combat, d’expression, d’organisation des autres. Ce sont des univers différents. Parfois de petits univers, voire juste des atmosphères, et parfois ce sont des galaxies qui nous séparent. 

Mais l’enjeu, la conscience que nous n’avons plus le choix, permettront, soyons en certains et certaines, au-delà des images astronomiques, de rapprocher les femmes et les hommes que nous sommes. 

Rendez-vous tout de suite pour la chaîne humaine et le moment de réflexion, d’invention, qui suivra.  

C'est important. Restons, enchaînons, construisons demain.

Merci